Gabriel Attal : une rentrée, des annonces, et pas de moyens

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Gabriel Attal : une rentrée, des annonces, et pas de moyens

La rentrée des classes qui aura lieu dans moins de 15 jours sera la première pour le nouveau ministre de l’Éducation nationale. S’il a tenté d’occuper le terrain cet été en se déplaçant dans quelques centres de vacances, les exercices pratiques commencent réellement maintenant. Et visiblement, la consigne est la suivante : mettre en place quelques mesures, mais sans jamais recruter de personnels. 

Des annonces sans moyens sur le harcèlement scolaire 

C’était un des dossiers en cours de son prédécesseur. Gabriel Attal a choisi de faire du harcèlement scolaire un des enjeux de sa rentrée politique. 

Le 16 août dernier, un décret a été publié afin de faciliter et de systématiser le changement d’établissement pour un élève coupable de harcèlement. Cette mesure vise à éviter une situation parfois inverse, qui pousse un élève harcelé à quitter lui-même l’établissement. Ce décret a été accompagné d’un second portant lui sur les poursuites en cas de cyber-harcèlement. Si ces initiatives entendent répondre à des demandes d’associations, elles ne sont pas accompagnées de recrutements supplémentaires de personnels encadrants pour prévenir le harcèlement. On retrouve ici une constante des “chantiers” du Ministre pour la rentrée : des annonces fortes, mais qui ne nécessitent jamais d’investissement réel et de recrutements. Faire un peu avec rien du tout donc. 

Des astreintes pour remplacer les professeurs

On retrouve cette même logique de mesures “sans frais” dans les grandes annonces faites autour du non-remplacement des professeurs, véritable fléau pour les élèves. 

En effet, en 2018, la Cour des comptes indiquait que seul un professeur absent sur cinq était remplacé au collège et au lycée, soit autant d’heures perdues pour les élèves. En Seine-Saint-Denis, on estime que ce non-remplacement de professeurs fait perdre aux élèves jusqu’à une année scolaire de cours sur tout leur cursus. Après l’objectif – raté – de l’année dernière d’ “un professeur devant chaque élève à la rentrée”, le nouveau ministre a donc fixé un nouveau cap : “un remplaçant pour chaque professeur absent”. Pas question cependant de recruter plus de professeurs comme la logique – et les syndicats unanimes – le réclamerait. 

Gabriel Attal prévoit d’utiliser le Pacte enseignant mis en place par Pap Ndiaye pour assurer les remplacements des heures de cours. Ainsi, les professeurs signataires du Pacte pourront effectuer des remplacements sur des créneaux d’astreintes définis à l’avance par celui-ci et le chef d’établissement. Si cela ne suffisait pas, un décret publié permet à chaque professeur de pouvoir remplacer au pied levé son collègue sur un créneau libre. Des heures supplémentaires donc. 

Enfin, si les professeurs, qui travaillent déjà en moyenne 45 heures par semaine, ne parviennent pas colmater les brèches, la possibilité sera laissée aux établissements de faire appel aux Assistants d’éducation (AED) qui, malgré leur absence de formation, pourront mener des “séquences pédagogiques”. Une gestion locale d’une problématique pourtant nationale, et qui laisse la porte ouverte à de fortes inégalités entre les établissements, et donc, in fine, entre les élèves. Ici aussi, tout est sur la table… tant que cela ne nécessite pas de recruter le moindre professeur. 

Vers une réforme de la réforme ?

L’année dernière avait vu pour la première fois s’appliquer pleinement la réforme du baccalauréat mise en place en 2018 par Jean-Michel Blanquer. Ainsi, les élèves avaient planché dès le mois de mars sur leurs épreuves de spécialités. Une telle anticipation des épreuves avait immédiatement entraîné une baisse de motivation des élèves et une perte de sens de la fin de l’année scolaire chez des jeunes pour qui tout semblait déjà joué au mois d’avril. 

Voilà donc le soldat Attal prêt à “reconquérir la fin d’année scolaire”, en envisageant de décaler les épreuves… au mois de juin. Quelques années plus tard, le Ministre donnerait donc raison aux syndicats et à l’opposition qui avaient prédit dès la mise en place de la réforme les effets constatés l’année passée. Tout ça pour ça, donc. 

Parcoursup : silence radio 

Bruyant sur de nombreux sujets, Gabriel Attal l’est moins sur la question de Parcoursup. Alors qu’à la clôture de la phase principale début juillet, quelque 77 000 élèves étaient encore sans affectation pour la rentrée, aucun nouveau chiffre n’a été communiqué depuis. Pas plus que des annonces pour en finir avec la sélection mise en place par la plateforme. Tout juste le jeune ministre a-t-il évoqué la nécessité de “mieux accompagner les élèves” dans l’utilisation de la plateforme ? Rien de neuf à l’horizon donc. 

“L’autorité” pour sauver le système scolaire

Nommé ministre quelque temps après le meurtre du jeune Nahel et les émeutes qui en ont suivi, Gabriel Attal en a profité pour placer la rentrée sous le signe de “l’autorité”, mot martelé à de nombreuses reprises lors de ses déplacements. 

Ce n’est d’ailleurs pas un hasard s’il a effectué sa rentrée dans une des écoles dégradée au début de l’été. En centrant tout son discours sur une “autorité” jamais vraiment définie, le locataire de la rue de Grenelle sait qu’il satisfera à peu de frais – encore –  les conservateurs et réactionnaires sensibles à un tel discours. 

C’est oublier que l’autorité d’un professeur ou de l’institution ne se décrète pas, même avec la meilleure volonté du monde, mais qu’elle est le résultat de politiques publiques permettant la réussite de chaque élève, et plus largement l’égalité entre les citoyens. Des chantiers qui, eux, ne semblent pas à l’ordre du jour de la rentrée. 


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