100 ans après, les communistes toujours au front de la lutte sociale

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100 ans après, les communistes toujours au front de la lutte sociale

À l’occasion du centième anniversaire du Mouvement Jeunes Communistes de France (MJCF) et du Parti Communiste Français (PCF), Avant-Garde a été à la rencontre de Fabien Roussel et Léon Deffontaines, respectivement secrétaire national du PCF et secrétaire général du MJCF. La rédaction a cherché à comprendre, comment cent ans après leur création, ces organisations politiques qui ont marqué l’histoire de France restent des acteurs majeurs de la politique française, et la place qu’ils comptent occuper dans le contexte sociale et économique inédit que traverse la France et le monde.

Cent ans après votre création, pensez-vous comme d’autres que les formes partisanes et organisations politiques sont dépassées ? Quel intérêt d’un parti politique et d’une organisation de jeunesse dans la période ?

Fabien Roussel : Nous avons affronté une dure campagne idéologique sur ce thème : « les partis, c’est fini ! » À vrai dire, ce n’était qu’un nouvel épisode d’une bataille de longue date qui vise à dire au plus grand nombre : « Ne vous organisez pas ! » Mais posons-nous la question : à qui profite le crime ? Alors que la classe dominante ne manque pas d’occasions pour se concerter et, en dépit de la concurrence qui oppose les différents groupes qui la composent, trouver bien des positions communes, il faudrait que les travailleuses et les travailleurs s’opposent seuls à ces grosses machines ? Non, il y a besoin de syndicats, de partis, de structures démocratiques où salariés, auto-entrepreneurs, indépendants, lycéens, étudiants puissent réfléchir ensemble, agir ensemble afin de gagner ensemble.

LD : Tout d’abord, bien que certains de nos détracteurs annoncent les organisations politiques comme dépassées, le mouvement jeunes communistes de France ne cesse de se renforcer. Depuis le mois de septembre, nous avons des dizaines d’adhésions par jour. Ce renforcement ne relève pas du hasard. Depuis le plus jeune âge, les gouvernements respectifs nous disent que les belles années sont derrières nous, qu’il va désormais falloir se serrer la ceinture. Nous avons peut être une génération désabusée mais nous avons surtout une génération qui a conscience que si elle veut avoir un avenir, il va falloir l’arracher. Et pour l’arracher, de plus en plus de jeunes ont conscience de la nécessité de s’organiser et de s’engager. 

Certains disent que la lutte des classes relève du passé. En quoi l’analyse de la société que vous faisiez il y a maintenant un siècle est toujours d’actualité ?

LD : La lutte des classes n’a jamais été autant d’actualité que maintenant. La crise économique qui traverse le monde et le pays le prouve. Nous n’avons jamais autant produit de richesses dans le monde. Pourtant, les salaires n’augmentent pas et les plans sociaux ne cessent de se multiplier. Face à la hausse du chômage et aux délocalisation, c’est toujours le même objectif : maximiser les taux de profits des capitalistes. C’est ainsi que les fortunes mondiales continuent de grimper à l’image de Jeff Bezos – patron d’Amazon et première fortune mondiale – qui a doublé sa fortune en un an. Il y a également l’exemple de la famille Mulliez en France, propriétaire d’Auchan, qui pendant le confinement a augmenté ses profits et qui aujourd’hui licencie à tour de bras pour augmenter leurs profits. Les jeunes sont parmi les premières victimes de l’exploitation capitaliste. La jeunesse se caractérise par une multitude de contrats précaires qui permettent de les rémunérer en dessous du salaire minimum et c’est la tranche d’âge la plus représentée dans les contrats courts. Nous avons jamais produit autant de richesse en France et celle-ci n’a jamais été aussi peu redistribuée. L’écart des richesse n’a jamais été aussi grand entre les plus grosses fortunes et le reste de la population. N’en déplaise aux libéraux, la lutte des classes existe bel et bien et un jour, pas si lointain, notre classe, celle des travailleurs prendra le dessus.   

Fabien Roussel : Il ne faut pas avoir une vision réductrice de la lutte de classe. Les questions féministes, antiracistes, laïques, toutes les dominations qui freinent aujourd’hui le développement de tant de personnes ne sont nullement secondaires à nos yeux. Mais c’est vrai que les publicitaires et les conseillers en communication de toutes sortes se dépensent sans compter pour faire avaler cette plaisanterie : la lutte des classes serait une pure invention de Gaulois réfractaire ou, au mieux, de l’histoire ancienne heureusement dépassée. Malheureusement, c’est une dure réalité : qui décide de fermer ici une usine qui permettrait de répondre aux besoins de notre société ? qui décide de payer une misère les « premiers de corvée » sans qui rien ne pourrait fonctionner ? C’est bien une petite classe capitaliste égoïste qui ne pense qu’à ses (plus ou moins) petits profits et après moi le déluge ! Cette politique de classe est si scandaleuse et visible qu’une nette majorité de Françaises et de Français, et en leur coeur le monde du travail, estime, à raison que la lutte des classes est une réalité. D’ailleurs, tout le monde ne s’en cache pas du côté du Capital. Warren Buffett l’a dit clairement : « La lutte des classes existe et c’est ma classe, celle des riches, qui est en train de la gagner. » Plus récemment, Geoffroy Roux de Bézieux a très tranquillement revendiqué le statut de « capitaliste ». Les classes laborieuses ont changé, la classe capitaliste aussi mais la lutte des classes reste une réalité cardinale de la période que nous vivons.

La crise économique que nous traversons fait des ravages dans la jeunesse. Pourtant, peu de forces politiques en parlent. Depuis cent ans, le PCF et le MJCF ont toujours eu vocation à structurer et parler aux jeunes. Que dites-vous dans la période ?

LD : Le MJCF est aujourd’hui la première organisation de jeunesse du pays. Cela ne relève pas du hasard. Depuis 100 ans, nous sommes une organisation de jeunes, par les jeunes et pour les jeunes. Contrairement aux autre organisations de jeunesse, un jeune qui adhère au MJCF ne devient pas membre d’un parti, il prend toute sa place dans l’élaboration de la ligne politique et la structuration de l’organisation. Nous combattons et organisons les jeunes face aux injustices qu’ils subissent au quotidien. Aujourd’hui, les jeunes sont les premières victimes de la crise économique. Un jeune actif sur quatre est au chômage. Les réponses de l’exécutif ne sont pas à la hauteur. Jean Castex nous promet une société de petit boulots payés une misère. Nous avons besoin du contraire : pour construire sereinement notre avenir il faut sécuriser les parcours. Pour cela il faut réinvestir dans l’éducation et mettre fin aux réformes Blanquer qui ont comme seule conséquence de sortir un trop grand nombre de jeune de la formation ou de mal les orienter. Il faut permettre de garantir une formation de qualité, gratuite et accessible par toutes et tous. Nous demandons qu’aucun jeune ne soit au chômage. Pour ce faire, il faut mettre fin aux contrats précaires et proposer des formations et du travail. En la matière, le service public doit être exemplaire. Alors que nous n’avons jamais eu autant besoin de personnels dans la santé, l’éducation ou encore les transports, nous avons des dizaines de milliers de jeunes qui cherchent du travail. Au MJCF nous disons :  recrutons ces jeunes, formons-les et rémunérons-les. 

FR : Le Parti communiste a toujours eu le souci de la jeunesse, se battant pour un accroissement des droits des jeunes (droits de vote, droits sociaux…), pour qu’elles et ils puissent prendre toute leur place dans notre société et sa construction.

Aujourd’hui, comment ne pas constater avec révolte le sort réservé à notre jeunesse : chômage de masse, précarité, bâtons dans les roues du point de vue des études, etc.

Nous promouvons une sécurité d’emploi et de formation car il ne faut plus un seul jeune au chômage : il y a tant à faire dans notre pays, il y tant à faire quand on est jeune. C’est une folie de condamner au chômage ces milliers de jeunes pleins d’idées, d’énergie, de solutions pour les problèmes posés à notre société.

Il faut faire confiance à la jeunesse et lui donner les moyens de penser et tracer sa voie. Ca passe par une politique complètement différente dans presque tous les domaines de la vie : éducation, sport, culture, logement, police, santé, emploi…

Vos deux organisations se sont créées en réponse aux horreurs de la première guerre mondiale. Dès votre création, vous avez inscrit votre combat à l’échelle internationale contre la guerre entre les peuples. En France, vous avez été les fers de lance de la lutte pour l’autodétermination des peuples et la décolonisation. Quel sens donnez-vous à votre combat internationaliste maintenant que la plupart des pays ont obtenu leur indépendance ?

FR : Les communistes se sont toujours situés en première ligne du combat contre la colonisation. Cette bataille pour l’autodétermination des peuples colonisés s’est inscrit dans un combat internationaliste plus global : quand nous nous battions aux côtés de nos camarades espagnols au temps de Franco, l’Espagne n’était pas une colonie mais l’internationalisme communiste exigeait notre active intervention. Et puis, les indépendances n’ont pas réglé la question des dominations internationales. Est-ce qu’aujourd’hui Haïti, par exemple, vit libérée de toutes ces questions ?

Plus globalement, le capitalisme, dans sa quête de profit, joue avec les divisions nationales et l’extrême droite ne manque pas d’opposer le peuple d’un pays à celui d’un autre. Pourtant, avec la mondialisation, nous affrontons souvent les mêmes capitalistes. Il n’y a pas de solution possible sans combat mené ensemble, par-delà les frontières. Pour en finir avec le capitalisme, ce qui est la mission du communisme de notre temps, nous aurons besoin de toutes et de tous. Plus que jamais : prolétaires de tous les pays, unissons-nous !

LD : Dès le départ, nous nous sommes créés en opposition à la guerre entre les peuples. La paix et l’internationalisme sont dans l’ADN de chaque communiste. Aujourd’hui encore, la colonisation est loin d’être terminée. Nous l’observons tous les jours en Palestine, où le gouvernement israélien occupe illégalement les territoires palestiniens et où le nombre de prisonniers politiques dans les geôles israéliennes grandit de jours en jours. Les puissances impérialistes n’hésitent pas à faire passer les intérêts privés avant l’intérêt des peuples. Nous l’observons également aujourd’hui en Afrique, où malgré la décolonisation, le gouvernement français continue sa domination sur ses anciennes colonies d’Afrique au travers ses entreprises jusqu’à contrôler la monnaie avec le Franc CFA. Tant que le capitalisme continuera d’exister, la quête de profit n’aura aucune limite et les peuples ne pourront être réellement libres. Le combat communiste s’inscrit nécessairement dans une lutte internationale. La liberté des peuples ne sera complète que lorsque nous en aurons fini avec la société capitaliste. 


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