Élections italiennes : comment enrayer la montée de l’extrême droite en Europe ?

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Élections italiennes : comment enrayer la montée de l’extrême droite en Europe ?

Depuis le 21 juillet et la démission de Mario Draghi au poste de Premier ministre, l’inquiétude enfle d’une victoire de la coalition des droites en Italie, avec à sa tête, le parti post-fasciste Fratelli d’Italia, dirigé par Giorgia Meloni. 

Suite à la chute de l’ancien président de la Banque centrale européenne, déclenchée par la défiance du Mouvement 5 étoiles (M5E) et la dislocation de la majorité gouvernementale, des élections anticipées auront lieu dimanche 25 septembre. L’alliance entre la Lega (du Nord), Forza Italia et Fratelli d’Italia est annoncée largement victorieuse par les sondages. Le franchissement d’une nouvelle étape dans la montée de l’extrême droite en Europe est à craindre.

Que s’est-il passé ?

Fratelli d’Italia, le parti à la flamme, n’a que dix ans, mais il a supplanté la Lega dans l’opinion depuis 2021. Le parti de Matteo Salvini, originellement la Lega Nord, parti régionaliste d’extrême droite qui a conquis les urnes à la fin des années 2010 dans l’ensemble du pays, était devenu le troisième parti politique italien en 2018. Allié à Forza Italia, le parti de droite de Silvio Berlusconi et Fratelli d’Italia, il obtient 17,3 % des suffrages aux élections générales et la coalition devance de peu le Mouvement 5 étoiles (37 % contre 33 %). Ce « mouvement » attrape-tout, populiste « ni de gauche ni de droite » accepte alors de former un gouvernement de coalition avec Matteo Salvini. 

Celui-ci prend fin en 2019 après la percée de la Lega aux élections européennes. La majorité se recompose sur sa gauche par une alliance entre le M5E, le Parti démocrate et les groupes parlementaires de centre gauche. Mais celle-ci se fissure à nouveau et le technocrate Mario Draghi est chargé de la périlleuse mission de constituer un nouveau gouvernement. Le résultat est un assemblage baroque du Parti démocrate jusqu’à la Lega, en passant par Forza Italia et même le M5E.

Dédiabolisation

Face à ce fourre-tout dirigé par celui qui a étranglé la Grèce, dans une Italie croulant sous la dette, dans un contexte de crise sanitaire, la seule formation politique à avoir voté en bloc contre la confiance à ce gouvernement est Fratelli d’Italia

Alors qu’il puise ses racines dans le Mouvement social italien (MSI), constitué après l’interdiction du Parti national fasciste en 1946, le parti de Giorgia Meloni incarne la nouveauté. Seul parti à ne pas avoir gouverné, il paraît intègre et cohérent. Et suite au mandat violemment xénophobe de ministre de l’Intérieur de Matteo Salvini de 2018 à 2020, et aux errements du M5E, cette formation politique atlantiste qui se dit « souverainiste » est dédiabolisée.

Crise du capitalisme

La situation italienne témoigne de la montée en puissance de l’extrême droite, sous toutes ses formes, en Europe. Alors que le capitalisme peine à sortir d’un cycle continu de crises, cherchant partout de nouvelles sources de survaleur, la bourgeoisie se replie. Le cas d’Éric Zemmour est un exemple de l’investissement de la bourgeoisie dans des candidatures d’extrême droite. 

L’installation de la crise dans le long terme fragilise les classes laborieuses, et même ses fractions supérieures qui craignent le déclassement. L’absence de perspectives de mobilités sociales ascendantes, la casse des services publics et la hausse du coût de la vie accentuent les divisions sociales et la crispation identitaire. Les forces d’extrême droite les exploitent largement. 

Quelle gauche ?

En parallèle, le constat de la faiblesse de la gauche sociale-démocrate est clair. En Italie, elle est pour ainsi dire anéantie. Et quand elle est au pouvoir en Europe, elle manque à proposer de réelles alternatives ou se compromet (on peut penser aux affaires de corruption qui secouent le mouvement espagnol Podemos ou à l’échec de la mandature Hollande en France). De plus, elle s’empêtre elle aussi dans les débats identitaires, produisant toujours plus de sous-catégories et éludant la lutte des classes.

Dans ce contexte, les organisations progressistes doivent urgemment prendre leur part. L’enjeu principal est de reconquérir la crédibilité d’une alternative. Pour cela, il nous faut amplifier notre présence dans les endroits les plus difficiles, où les extrêmes droites progressent le plus. La valorisation de l’action concrète, de nos élu-es, dans les luttes et la solidarité, est essentielle. C’est à cette condition que les propositions audacieuses sont audibles.

Face à des forces réactionnaires qui produisent un « nous » falsifié, le néo-hygiénisme progressiste individualise et divise. Le cercle vicieux s’entretient. Charge aux organisations communistes et progressistes européennes de créer les conditions du rassemblement des classes laborieuses, au service du progrès humain.


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