Entre division et addition, la gauche primaire

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Entre division et addition, la gauche primaire

L’addition de pas beaucoup avec peu fait pas grand chose. Villani a pourtant démontré que les mathématiques s’adaptent assez mal aux élections. 

Les candidats (ex-)socialistes en quête de sens

Les annonces tour à tour par Arnaud Montebourg et Anne Hidalgo de leurs propres doutes sur la pertinence de leurs candidatures a ouvert une curieuse séquence. Plutôt que déclencher une introspection respective de l’ancien ministre de François Hollande et de l’actuelle maire de Paris sur le sens de leur engagement dans la course présidentielle, ce fut un festival d’appel à l’union envers les autres candidats de la gauche.

L’ancien socialiste s’est fait filmer en appelant les autres candidats dans des séquences lunaires immédiatement publiées sur son compte Twitter. La candidate socialiste a annoncé son souhait de participer à une primaire qui n’existe pas alors même qu’elle bénéficie de l’investiture de son parti. 

L’association « la Primaire populaire » qui fait la promotion d’un scrutin devant permettre d’éviter la multiplication des candidatures à gauche a aussitôt sauté sur l’occasion. L’édile parisien s’est accroché à cette branche après avoir essuyé les refus de tout le monde, y compris celui d’Arnaud Montebourg. Ce dernier ne semble pourtant pas savoir comment sortir la tête haute de sa déclaration de candidature. 

L’agitation médiatique à défaut de la mobilisation populaire

Le cirque médiatique a rapidement suivi. Chacun y est allé de son indignation, son désespoir ou son regret face aux multiples candidatures de gauche.

Ce fut presque rafraîchissant après des semaines d’attention médiatique sur Zemmour puis sur la primaire de la droite de voir enfin la gauche occuper le devant de scène. On peut toutefois regretter que ce fût uniquement pour s’interroger publiquement et introspectivement de la légitimité des candidatures des uns et des autres. 

La rumeur d’une candidature de l’ancienne garde des Sceaux de François Hollande est venue couronner ce grand moment de vie démocratique. Christiane Taubira a probablement été l’un des rares éléments du naufrage du précédent quinquennat à pouvoir parler dignement de son action. Difficile cependant de pouvoir dire qu’elle a incarné une forme d’opposition à son ancien collègue de gouvernement Emmanuel Macron.  

Les mathématiques pas très logiques de l’union

Cessons le commentaire et intéressons-nous aux chiffres puisque l’union de la gauche n’est pas une question de cœur, mais une question arithmétique. Du moins, c’est ainsi que l’enjeu est majoritairement abordé. 

Trois axiomes sont utilisés pour réclamer l’union mathématique. 

Le premier est que le nombre de candidatures est la raison de leur insuccès dans les sondages d’intentions de vote.

Le second est que les électorats des différents candidats sont miscibles et que leur éparpillement n’est dû qu’à la multiplication de l’offre.

Le troisième est que l’accès au second tour est l’unique clef de la victoire. 

Démontons-les.

La droite est plus divisée que la gauche

Il existe actuellement sept candidatures qu’on peut situer à gauche de l’échiquier politique : Nathalie Arthaud, Philippe Poutou, Jean-Luc Mélenchon, Fabien Roussel, Anne Hidalgo, Arnaud Montebourg et Yannick Jadot. 

À droite, on peut en compter huit  : Florian Philippot, François Asselineau, Jean Lassalle, Marine Le Pen, Nicolas Dupont-Aignan, Éric Zemmour, Valérie Pécresse et très vraisemblablement Emmanuel Macron qui devrait se représenter.

Le nombre de candidatures ne paraît pas pouvoir expliquer à lui seul le faible score de la gauche dans les sondages d’intention de vote. On pourrait s’amuser à une distinction plus fine entre quatre ou cinq groupes en ajoutant des « extrêmes » ou un centre pour comparer le nombre de candidats, mais le second tour ne se joue qu’à deux. 

L’union de l’électorat plus complexe que celle des candidatures

La miscibilité des électorats est loin d’être acquise. Le rédacteur en chef de Cause Commune l’expliquait assez bien il y a plusieurs mois de cela dans un édito.

Citons-le : 

« Résumons : le “peuple de gauche” a fondu comme neige au soleil ; ce qu’il en reste est lourdement divisé, indépendamment des consignes des uns et des égos des autres.

Trois. S’il faut considérer PCF, FI, EELV, PS, qui peut sincèrement soutenir que ces formations portent un projet commun pour la France, viable et alternatif à ce qui se fait aujourd’hui et ce qui se promet du côté des libéraux et de l’extrême droite ? »

Rajoutons-en. Quel sens aurait une candidature qui renverrait à des référendums futurs l’ensemble des enjeux de notre temps ? Les électeurs de Yannick Jadot se rangeront-ils derrière une candidature pronucléaire ? La candidate Hidalgo dont le parti a fait adopter la loi d’abolition de la prostitution se rangerait-elle sans sourciller derrière un candidat qui propose de revenir dessus ? Par quelle pirouette rhétorique la France Insoumise se soumettrait-elle à une telle « tambouille électorale » après avoir fustigé toute forme d’alliance électorale pendant 5 ans ?

Le sujet semble d’ailleurs largement désintéressé en dehors des rédactions médiatiques. Moins de 300 000 signatures en ligne en six mois pour « la primaire populaire » et un rassemblement de 200 personnes place de la République.

Voir le second tour et mourir

Enfin, pourquoi la gauche devrait-elle aller au second tour de l’élection présidentielle ? Aujourd’hui, si l’on en croit les mêmes sondages d’intention de vote sur lesquels se fondent les appels à l’union, c’est la défaite assurée au second tour. Sauf à espérer un second tour face à une force politique davantage rejetée encore. Belle perspective. 

La seule qualification hypothétique à un second tour n’est pas une victoire. L’élection présidentielle n’est celle que d’une personne. Comme dans une coupe de football, la seconde place n’a que plus d’amertume que les suivantes. 

Une approche primaire du combat politique

Nul ne semble avoir la recette magique pour remobiliser un électorat qui a moins glissé à droite que dans l’abstention. On peut cependant parier que les appels aux mathématiques et l’approche arithmétique des élections ne les remobiliseront pas. Pour parler chiffres et additions, parlons des salaires !

Mener le combat politique par l’union des candidatures est une erreur. La faiblesse actuelle des différentes forces politiques composant « la gauche » ne pourrait aboutir qu’à une union encore plus faible. Que reste-t-il du cadre idéologique de la sociale-démocratie ? Que signifie l’écologie politique européenne alliée avec les conservateurs en Autriche, atlantiste en Allemagne ? Quelle dynamique demeure pour la France insoumise,  incapable de dépasser la personnalité de son leader Jean-Luc Mélenchon ?

Les contradictions internes de ces mouvements politiques ne seraient pas magiquement résolues par leur superposition. Au contraire. 

Les « militants de l’union » mènent le combat à contresens. Il est impossible de gagner une élection en faisant campagne contre toutes les candidatures. Les appels à l’union à l’aide d’addition semble davantage relever de la numérologie que du calcul.


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