Fabien Roussel : « Nous proposons de supprimer Parcoursup »

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Fabien Roussel : « Nous proposons de supprimer Parcoursup »

À l’approche de l’élection présidentielle des 10 et 24 avril, nous avons interrogé Fabien Roussel, candidat de la jeunesse et du monde du travail, sur son programme, et Léon Deffontaines, secrétaire général du MJCF, sur son soutien à la candidature.

La jeunesse, enjeu majeur des élections 

Vous avez choisi de faire de la jeunesse un thème majeur de votre campagne. Pourquoi ? 

FR : Tout simplement parce que la jeunesse a particulièrement souffert durant la crise sanitaire et sociale, parce qu’elle est précarisée depuis longtemps. Face à cela, aucune mesure d’ampleur n’a été prise. Il y a pourtant urgence, dans tous les domaines : emploi, éducation, accès aux soins. Ne pas s’occuper de sa jeunesse, c’est mettre en péril l’avenir du pays. Qui va relever les défis de demain si on ne forme pas notre jeunesse, si on ne lui offre pas des emplois de qualité ? 

LD : Cette urgence, elle est très concrète : 90 000 jeunes n’ont eu aucune proposition sur Parcoursup cet été, 16 % des jeunes ont perdu leur emploi durant la crise, 20 % des jeunes vivent sous le seuil de pauvreté et la précarité des étudiants a explosé. Dans cette campagne, nous voulons mettre ces questions sur le devant de la scène, et avancer des propositions concrètes. 

Avez-vous l’impression que vous êtes les seuls à mettre cette thématique en avant ? 

FR : Disons que certains semblent avoir d’autres priorités. On nous parle du matin au soir des questions de sécurité, d’immigration, d’identité ! Face à cela, les questions d’emploi, de pouvoir d’achat, et de jeunesse, pourtant décisives, sont assez absentes en effet. Mais pas chez nous ! 

LD : Lorsque la jeunesse est évoquée dans les programmes, c’est souvent infantilisant, en proposant des contrats spéciaux, d’aides pour mieux vivre notre chômage… Mais nous ne voulons pas de dispositifs spéciaux ! Ce qu’on veut, c’est une formation et un emploi.

Pour une éducation de qualité 

Lorsque l’on pense à la jeunesse, on pense à l’éducation. Quel constat faites-vous de la situation actuelle ? 

FR : Le système scolaire ne tient pas sa promesse d’émancipation. Au contraire, il exclut, il trie, car il est sous-financé. Comment voulez-vous accompagner correctement les élèves quand ils sont 30 par classe ? Il faut baisser le nombre d’élèves par classe, recruter du personnel enseignant, construire de nouveaux établissements… Pour cela, nous proposons d’augmenter le budget de l’Éducation nationale de 45 %. Certains diront que c’est trop, mais pour nous, c’est le minimum !  

LD : Ce gouvernement a particulièrement maltraité l’école et l’a rendu plus inégalitaire que jamais. On peut parler de Parcoursup, qui empêche chaque année des milliers de jeunes de suivre les études de leurs choix, mais aussi des réformes du bac. À chaque fois, l’objectif est le même : mettre en concurrence les lycées et les établissements et, à la fin, la valeur du bac délivré. 

Vous avez évoqué Parcoursup et les problèmes posés. Quelle solution proposez-vous ? 

LD : Nous proposons de supprimer Parcoursup. La seule condition pour aller à l’université doit être le bac. Bien sûr, cela nécessite d’ouvrir des facs et de recruter plus de professeurs, pour que chaque jeune puisse accéder aux études de son choix. Si on veut lutter contre l’échec en L1, encore faut-il ne pas faire des études par défaut. 

FR : Cela veut dire qu’on veut permettre à chaque jeune d’obtenir son bac, qu’il soit professionnel, technologique ou général. Pour arriver à cet objectif, il faut permettre à chacune et chacun de réussir. D’où notre proposition de recruter et former plus d’enseignants. Nous voulons que la France ait la jeunesse la mieux formée au monde. C’est un beau projet, non ?

En supprimant Parcoursup, n’y a-t-il pas un risque de mauvaises orientations à la fac ? 

LD : Ce qui provoque de mauvaises orientations, ce sont les réformes du bac et Parcoursup qui obligent les lycéennes et lycéens à faire des choix de plus en plus tôt. On demande à un jeune en seconde de choisir les spécialités qui correspondent aux attendus de l’université qu’ils visent ! Mais à 15 ans, très peu savent dans quelle université ils se rendront !

FR : En supprimant Parcoursup, on permet à chaque jeune d’aller dans la filière de son choix et de pouvoir changer d’avis si besoin. Mais il faut aussi recruter plus de conseillers d’orientation pour que chaque jeune soit accompagné dans ses choix, et qu’on en finisse avec les orientations forcées ou genrées.

La crise sanitaire a mis en avant la question étudiante. Comment peut-on améliorer les conditions de vie des étudiantes et étudiants ? 

FR : Pour lutter immédiatement contre la précarité étudiante, nous proposons un revenu étudiant aux alentours de 850 euros par mois, et qui pourrait être modulé selon certains critères. Cela doit permettre à chaque étudiant de se consacrer à 100 % à ses études, sans avoir besoin de se salarier à côté. 

Un emploi pour chaque jeune 

Fabien Roussel, vous dites vouloir éradiquer le chômage. En quoi cette question concerne-t-elle particulièrement les jeunes ? 

LD : 19,5 % des moins de 25 ans sont au chômage, ce qui est plus que la moyenne nationale. Il y a donc urgence à offrir un emploi de qualité à chaque jeune

FR : Et puis, si l’on veut relever les défis de demain, on va avoir besoin de créer des postes et d’embaucher des jeunes. Prenez la transition écologique, qui est essentielle : ce sont des milliers d’emplois qui doivent être créés dans l’énergie, dans les bâtiments… C’est un autre horizon qu’une société du chômage de masse.

Vous voulez augmenter le SMIC, en finir avec les contrats précaires… Comment peut-on faire tout cela ? 

FR : Concernant le SMIC, c’est simple, puisque c’est l’État qui fixe son montant ! Si je suis élu, j’augmenterai le SMIC à 1 800 euros brut. Les grosses entreprises ont largement les moyens de payer, leurs bénéfices ont explosé pendant la crise ! 

LD : Concernant la suppression des contrats précaires, l’état aussi peut agir, par exemple en ne donnant des aides qu’aux entreprises qui embauchent des jeunes en CDI. Mais c’est aussi un rapport de force à construire au sein des entreprises et aux côtés des syndicats. 

FR : De manière générale, l’enjeu est là : qui a le pouvoir et qui décide ? Aujourd’hui, ce sont les financiers, les grands patrons… Nous voulons prendre le pouvoir dans les entreprises et le rendre au peuple et aux travailleuses et travailleurs. Si demain ce sont les salariés qui décident dans l’entreprise, vous verrez que les salaires augmenteront et que les contrats précaires disparaîtront. Et que le travail aura un autre sens !

Vous souhaitez que plus aucun jeune ne soit au chômage si vous êtes Président. Que proposez-vous pour cela ? 

FR : Tout d’abord, nous passerons à la semaine de travail de 32 heures et rétablirons la retraite à 60 ans. Cela permettra de répartir le travail entre toutes et tous. Il faut aussi créer des incitations et des aides pour les entreprises afin qu’elles embauchent des jeunes, avec de vrais contrats. Nous voulons aussi nationaliser certains secteurs stratégiques, et nous y créerons des postes pour les jeunes.

LD : Nous proposons aussi un système de pré-recrutements dans la santé, l’énergie, les transports, l’éducation et le social. L’idée est de recruter des jeunes après leur bac, en finançant leur formation. Lorsque celle-ci sera terminée, un emploi dans un de ces secteurs leur sera assuré. 

FR : Et qu’on ne vienne pas nous dire qu’on n’a pas les moyens ! Il faut aller chercher l’argent là où il se trouve : dans les profits, dans les dividendes des entreprises, qui ont encore battu des records, ou dans l’évasion fiscale, qui représente des dizaines de milliards d’euros volés chaque année !

Pour une émancipation dans tous les domaines

Étudier, travailler… c’est important, mais il y a aussi les loisirs ! Que proposez-vous dans ces domaines ? 

LD : Notre objectif, c’est que chaque jeune puisse pratiquer une activité culturelle ou sportive à l’école et en dehors. Aujourd’hui, c’est loin d’être le cas ! Moins de la moitié des jeunes sont licenciés d’un club et beaucoup de jeunes ne peuvent pas se rendre à des concerts, au cinéma, faute de moyens. Il faut donc augmenter les budgets de la culture et du sport et des associations afin qu’elles puissent proposer des tarifs les plus bas possibles. Emmanuel Macron a proposé un « pass culture » pour les 15 à 17 ans. C’est bien, mais insuffisant ! Il faut étendre ces dispositifs à l’ensemble des jeunes, et tous les ans ! 

FR : Mais la culture et le sport, c’est aussi à l’école. Il y a trop peu d’heures d’arts ou de sport à l’école. Si on veut que chaque jeune ait accès à ces pratiques, cela commence ici. Nous proposons d’augmenter le temps scolaire à 32H par semaine pour tous les élèves. En 10 ans, les élèves français ont perdu une année scolaire à cause des réformes qui ont baissé le temps passé en classe. En passant à 32H, le but est de laisser plus d’espace pour le sport, la musique et toutes les pratiques artistiques.

LD : J’ajouterai que pour profiter de loisirs ou aller voir ses amis ou sa famille, encore faut-il pouvoir se déplacer. Or, aujourd’hui, l’accès aux transports est encore difficile. Dans les grandes villes, les tarifs sont trop élevés pour les jeunes, et dans les zones rurales, la fréquence des transports en commun est extrêmement faible, voire inexistante. Si on veut permettre aux jeunes d’accéder à des loisirs tout en relevant le défi du changement climatique, il faut construire des lignes de trains, développer les métros, et rendre gratuits les transports en commun. 

Vous évoquez la question environnementale. Durant le mandat d’Emmanuel Macron, des jeunes se sont mobilisés face au réchauffement climatique. Quelle réponse une candidature communiste apporte-t-elle à cette mobilisation ? 

LD : Ce que l’on constate aujourd’hui, c’est que le capitalisme est incapable de répondre à l’enjeu climatique, et cela, les jeunes l’ont bien exprimé dans leurs mobilisations. Tant que les profits et les intérêts des multinationales passeront avant les besoins des populations, on ne s’en sortira pas. Il faut inverser la logique dans tous les domaines : nous devons produire ce dont nous avons besoin, en utilisant des énergies décarbonées. Cela implique donc que l’on reprenne le pouvoir sur les forces de l’argent. 

Et quelles revendications portez-vous à l’échelle nationale, pour lutter contre ce phénomène mondial ? 

FR : L’urgence est là : il faut en finir avec les énergies fossiles. Dans le même temps, pour relever les défis en matière de santé, d’éducation ou d’emploi, nous aurons besoin de consommer de l’énergie. Pour cela, il y a deux leviers : les énergies renouvelables et le nucléaire. Entre les deux, nous ne choisissons pas ! Il faut investir massivement dans ces deux domaines, en nationalisant EDF et ENGIE. Il faut aussi lancer un grand plan de rénovation thermique des logements pour baisser la consommation d’énergie des ménages. Nous voulons aussi relocaliser les productions en France et en finir avec ces produits qui traversent le monde entier pour arriver chez nous alors que nous pouvons les produire ici. Cela implique aussi de mettre fin aux traités de libre-échange qui pourrissent la planète, et les droits des travailleurs. 

Bref, cette question est transversale, il faut agir sur tous les leviers : commerce, production, énergie, emploi… 

On a aussi vu les jeunes se mobiliser durant le dernier quinquennat autour des questions d’égalité : luttes féministes, luttes antiracistes… Comment comptez-vous traiter ces questions à travers ces élections ? 

FR : Le combat pour l’égalité entre les femmes et les hommes se retrouve dans chacune de nos revendications. Les inégalités salariales sont largement dues au fait que l’on retrouve majoritairement les femmes dans les contrats précaires et les temps partiels. Pour s’attaquer à cette question, il faut donc en finir avec les contrats précaires, en reprenant le pouvoir dans les entreprises comme nous l’avons dit. C’est donc tout un système qu’il faut révolutionner pour conquérir l’égalité réelle. 

LD : Cette question, nous la mettons aussi en lien avec les questions d’éducation. Il existe des orientations genrées, qui créent des filières dites « féminines », et qui débouchent sur des métiers très précarisés. Comment veut-on lutter sérieusement contre ce phénomène et permettre à chacune de choisir les études et les métiers de son choix sans des professionnels d’orientation en nombre suffisants ? Mais plus largement, cela signifie qu’il faut redonner des moyens à l’école, comme nous l’avons dit avant, pour permettre à chaque élève de réussir et de pouvoir choisir son avenir, sans répéter sans cesse les phénomènes de reproduction sociale genrée. 

Cela signifie donc qu’il n’y a pas de revendications spécifiques à porter sur ces questions ? 

FR : Bien sûr que si ! L’un n’empêche pas l’autre. Sur le drame des violences sexistes et sexuelles qui se joue chaque jour, nous pouvons, et nous devons agir dès maintenant. Toutes les associations féministes le disent : il faut investir maintenant 1 milliard d’euros pour en finir avec cette réalité inacceptable. Le gouvernement l’a promis, mais ne l’a jamais fait. Moi, je le ferai. 

LD : Nous avançons de la même manière sur les questions d’antiracisme. Il y a des phénomènes liés au système dans son ensemble : les victimes de racisme sont très souvent des jeunes, issus des « quartiers populaires » et qui subissent une discrimination liée à leur supposée origine ethnique, mais aussi sociale et géographique. C’est donc à la misère dans ces quartiers qu’il faut s’attaquer avant tout. Cela n’empêche pas de porter des revendications spécifiques sur ces sujets comme nous le faisons : inéligibilité des personnalités politiques condamnées pour racisme, fin des contrôles au faciès…  

Lors des dernières élections, les jeunes se sont massivement abstenus. Comment comptez-vous vous y prendre pour impliquer la jeunesse dans cette campagne ?  

LD : Avec les Jeunes communistes, nous nous mobilisons chaque jour devant les lycées, les universités pour les inciter à nous rejoindre et à rejoindre la campagne. Et on remarque une chose : lorsqu’on leur parle de leurs réalités, de ce qu’ils vivent quotidiennement, et pas des fantasmes de la droite et de l’extrême droite, ils sont prêts à se mobiliser. Nous continuerons ce travail jusqu’à la veille des élections, et cela se verra dans nos résultats ! 

FR : J’aimerai dire une chose aux jeunes : engagez-vous ! Envahissez cette campagne, et ne laissez pas les autres décider pour vous. C’est votre avenir qui se joue dans ces élections. Veut-on continuer avec ces politiques qui brisent les rêves et les aspirations de chacune et chacun, ou veut-on une rupture radicale qui permette enfin de laisser à la jeunesse toute la place qu’elle mérite dans la société ? C’est par notre mobilisation à toutes et tous, mais avant tout la vôtre, que nous pourrons changer cette société en profondeur ! 


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