L’arnaque de la “TVA sociale”

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L’arnaque de la “TVA sociale”

« Il faut revoir le financement de notre modèle social pour qu’il dépende moins du travail et davantage de la consommation », déclarait Emmanuel Macron sur TF1 le 13 mai dernier. Sans la nommer, il relance ainsi la vieille marotte patronale de la TVA sociale. 

Cette TVA, qui n’a de sociale que le nom, est une rengaine qui revient régulièrement. Annoncée pour la première fois sous le gouvernement Fillon en 2007, elle ne sera appliquée qu’en 2012, à la fin du mandat de Nicolas Sarkozy, avant d’être rapidement abrogée sous François Hollande. Alors qu’on la croyait enterrée, le chef d’Etat et son Premier ministre l’ont remis à l’ordre du jour dans la perspective du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2026. 

Baisse des cotisations, augmentation de la TVA, de quoi parle-t-on ?

L’idée est la suivante : pour résorber le “trou de la Sécu”, il faudrait baisser les cotisations sociales sur le salaire brut, ce qui gonfle artificiellement ce qui est perçu sur le net. On compense ensuite ce manque à gagner par une hausse de la TVA, c’est-à-dire une taxe sur la consommation. 

Les promoteurs de cette réforme parlent d’un “cercle vertueux”, non sans quelques acrobaties intellectuelles : moins de cotisations, plus de compétitivité. Les entreprises embaucheront plus. Et, disent-ils, la hausse des prix inciterait à mieux payer les salariés. 

Un raisonnement fragile. Cette mesure, outre le risque inflationniste qu’elle représente, pèserait surtout sur les ménages les plus précaires en baissant significativement leur pouvoir d’achat. Rien ne garantit que les salaires suivent. Au contraire, les entreprises pourraient, à terme, les bloquer pour limiter l’accès aux prestations sociales.

Sur l’argument de la création d’emploi, l’impact est également à relativiser. Lors des précédentes tentatives, seuls quelques dizaines de milliers d’emplois avaient été créés. Un chiffre insuffisant, quand on sait qu’actuellement, ce sont 1,4 million de jeunes qui ne sont ni en emploi, ni en études, ni en formation. 

La croisade contre le “coût du travail”, une vieille obsession patronale

Depuis sa création en 1945, le patronat s’oppose à la Sécurité sociale. Dès le départ, le CNPF – devenu MEDEF – refuse que le travail finance la protection sociale. Pour lui, les cotisations sociales sont des “charges”, le travail, un coût. Ce discours revient chaque année, comme un disque rayé. 

Dernier exemple en date : les Rencontres des Entrepreneurs de France, en septembre 2024. “Trop de charges”, “poids du modèle social”, “handicap pour la compétitivité” : les patrons y ont martelé leurs formules.

Pourtant, l’argent ne tombe pas du ciel, il vient toujours du travail. Le travail ne coûte pas, il crée. Ce sont les salariés qui fabriquent, soignent, éduquent. Quant aux cotisations, elles ne sont en rien un obstacle. Elles financent les retraites, la santé, les accidents du travail, le chômage. Ce n’est pas une taxe : c’est un droit.

Et pourtant, cela fait plus de vingt ans que les gouvernements successifs cèdent. Les cadeaux fiscaux sur les cotisations se multiplient. De 90% en 1990, le financement de la Sécurité sociale par cotisation est passé en dessous de la barre des 50%.  Malgré cela, la marche forcée de la désindustrialisation se poursuit, et partout en France, les plans sociaux se multiplient.


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