L’Ile de France rackette les pauvres : entretien avec Belaid Bedreddine élu du 93

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L’Ile de France rackette les pauvres : entretien avec Belaid Bedreddine élu du 93

La région de Pécresse met à l’amende le département de Seine-Saint-Denis en lui reprochant d’être trop généreux avec les classes populaires. Nous sommes allé interroger Belaid Bedreddine, le président du groupe communiste du plus populaire des départements d’Ile de France.

Les lycéens boursiers d’Île-de-France reçoivent aujourd’hui une aide allant de 122 à 236€ pour le financement de leur carte de transport Navigo – Imagine R (342€ annuels) quelle était la particularité de la Seine-Saint-Denis jusqu’à présent ?

Belaide Bedreddine : Il existait plusieurs particularités pour le département de Seine-Saint-Denis. Pour les autres départements l’aide aux collégiens et lycéens pour leur abonnement de transport est répartie à 50/50.

Mais comme la Seine-Saint-Denis compte le plus grand nombre de lycéens boursiers tout en étant le département qui concentre le plus grand nombre de difficultés économiques et sociales, la précédente majorité régionale (PS+EELV+PCF+PG) avait conclu un accord avec le département pour un financement à 65% par la région de la subvention et 35% par le département.

Cet accord faisait partie d’une série d’accords qui prévoyaient des financements asymétriques au profit du département. C’était ainsi le cas sur le financement de ligne T1 du tramway. Ces accords sont également remis en cause.

Aujourd’hui le département a augmenté sa participation pour les collégiens qui relèvent de sa compétence. Il a maintenu la subvention pour les lycéens qui relèvent de la compétence régionale, tout comme le transport. La région avait entre temps récupéré les ressources de la CVAE ( Cotisation sur la Valeur Ajoutée des Entreprises), attribuée auparavant au département. C’est donc avec davantage de ressources qu’elle veut faire moins !

La Seine-Saint-Denis souffre de par son histoire industrielle d’un manque d’investissement qui nécessite des compensations. La quasi totalité des villes du département remplissent les quotas SRU (Solidarité et Renouvellement Urbain) à l’inverse des autres départements.

Comment se fait-il que la région Île-de-France, en conscience des grandes difficultés du département de la Seine-Saint-Denis et de ses habitants, refuse de poursuivre cette aide ?


Belaide Bedreddine : Ce désengagement n’est pas isolé. Il fait partie d’une stratégie de la région de se désengager des zones défavorisées. Mme Pécresse s’est ainsi désengagée de la rénovation urbaine pour les quartiers où il y a plus de 30% de logement social. Il existe une logique d’abandon des départements et des communes qui font le plus pour la solidarité nationale.

La région pense qu’on fait trop pour les “assistés” et qu’il faut tout mettre dans le développement économique. La majorité de droite préfère redonner de l’argent aux employeurs alors qu’ils bénéficient déjà d’un grand nombre d’aides notamment à travers le CICE (Crédit d’Impôt Compétitivité Emploi). Ce crédit d’impôt que percevait le groupe PSA ne l’a pourtant pas empêché de fermer son usine d’Aulnay.  On voit bien qu’il s’agit d’une logique purement idéologique.

Quand des villes comme Champigny dans le Val-de-Marne, Saint-Denis ou Montreuil sont pénalisées parce qu’elles concentrent trop de logements sociaux , c’est une mesure idéologique qui vise à ré-affecter des budgets consacrés aux aides sociales au logement vers les grosses entreprises.

On observe aussi un désengagement de tout ce qui est AMAP et agriculture urbaine et ce n’est pas un hasard. C’est la droite pure et dure, dogmatique, qui avance au rouleau compresseur. Une des premières mesures de la nouvelle majorité de droite avait été de supprimer l’aide au transport pour les demandeurs d’asile.

La priorité de la région semble être tournée vers le développement de l’Ouest plutôt que de l’Est. On voit bien que Mme Pécresse est davantage intéressée par les Yvelines et les Hauts-de-Seines plutôt que par la Seine-Saint-Denis et le Val-de-Marne.

Comment lutter concrètement contre cette baisse de subventions, et ainsi garantir le droit à la mobilité de tous les lycéens d’Île de France ?

Il faut d’abord relayer le plus largement possible la pétition de la FCPE 93 et bien au-delà de la seule Seine-Saint-Denis. Je pense qu’il y a une bataille nationale à lancer sur les politiques régionales.

https://www.facebook.com/jeunescommunistes93/posts/873336529497004

Il important de faire prendre conscience des changements politiques qui se sont opérés dans les régions qui n’ont plus d’élus de gauches, vraiment de gauche, communistes pour moi. Cette bataille doit notamment porter sur la question des transports.

Pour les jeunes habitants dans des zones denses comme la Seine-Saint-Denis, ne pas pouvoir payer les transports les poussent à la fraude et donc à une forme de délinquance. Le problème est semblable en province, où trop encore se tuent sur la route entassés dans une voiture.

C’est également un enjeu écologique, il est nécessaire de créer une habitude de prise des transports en commun pour les plus jeunes. La gratuité pour les jeunes apparaît comme le meilleur outil pour créer cette habitude.

Plus largement, l’abandon des politiques de préventions des conduites à risques au profit de tests salivaires ( NDLR : pour détecter la consommation de cannabis) par la région, au scandal d’APB (Admission Post Bac) c’est toute la jeunesse qui est sacrifiée.

De sa capacité à se déplacer à son orientation tout est fait pour que seuls ceux dont les parents ont les moyens puissent réussir.  Les plus précaires se retrouvent dans des lycées professionnels.


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