Macron, une fausse alternative aux “nationalistes”

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Macron, une fausse alternative aux “nationalistes”

Le chef de l’état a livré un entretien à neuf titres de la presse régionale à quelques jours du scrutin européen. Dans celui-ci, le locataire de l’Elysée se pose en rempart absolu aux “nationalistes” en faisant sien nombre de leurs revendications.

Le projet européen toujours aussi flou du président

Interrogé sur le sens de sa démarche, le président de la République se défend d’être en opération de secour Nathalie Loiseau dont la liste n’est pas vraiment en dynamique. Pourtant, le chef de l’Etat ne peut s’empêcher d’immédiatement dramatiser les enjeux de l’élection de dimanche. Parlant de “risque existentiel”, refusant de laisser “se disloquer l’Europe qui construit la paix, qui a apporté la prospérité”, Emmanuel Macron donne le ton, lui ou le chaos. Plus loin, il résume le scrutin à un choix binaire entre “la division face aux Etats-Unis et à la Chine” ou “l’unité pour bâtir notre avenir européen”. Quel avenir européen ? Le président ne s’aventurera pas sur ce terrain-là préférant se poser en défenseur d’un projet européen dont l’idée sert de définition.

Quelques propositions sont mises en avant. La taxation européenne du kérosène, une banque européenne pour le climat, la taxation des entreprises les plus polluantes ou encore une taxe carbone aux frontières. Autant de sujets sur lesquels le président n’a pas semblé pressé d’avancer depuis son élection. Autant de sujet qui sans nier leur importance sont floues et consensuels. Il affirme également son opposition au projet de réforme de la PAC largement dénoncé par les agriculteurs et dans laquelle on ne peut s’empêcher de voir une certaine forme d’opportunisme électorale. Il ajoute d’ailleurs immédiatement après que “plus nous aurons des pays qui défendent un projet européen fort, plus nous aurons une politique agricole commune ambitieuse”.

Macron s’invente son duel

Mais qu’importent les questions posées, le chef de l’Etat en revient toujours au même point. Lui et lui seul face aux nationalistes. Ce duel en passe de devenir réalité à force d’avoir été martelé dans toutes les têtes est le seul qui l’intéresse. Le vide du projet nationaliste face au libéralisme économique du projet macroniste. Emmanuel Macron a choisi son meilleur ennemi. Les journalistes lui demandent quelle alliance compte-t’il faire au niveau européen, alors que la LREM promet d’être particulièrement isolée au sein du Parlement européen, il répond par une pirouette. “Être au cœur d’une nouvelle coalition de progrès et d’avenir” ne semble pas constituer l’amorce d’une stratégie d’alliance en vue de constituer un groupe de poids au sein du Parlement européen. Qu’importe, la binarité du débat est privilégiée par le chef de l’Etat :

“Soit, nous voulons nous diviser et nous devenons le théâtre des jeux d’influence extérieurs, chinois russes, américains, soit on décide de se ressaisir et d’être souverainement nous-mêmes. Il faut être unis, car c’est l’union qui fait la force.”

Nous, face à eux.

La rhétorique est connu et pas nécessairement associé à l’idée de progrès. C’est qu’à force de vouloir défendre l’unité du continent européen face à ceux qui souhaiteraient le diviser, comme si aucune autre dualité n’existait, le locataire de l’Elysée se retrouve à défendre une forme étendue de repli identitaire. Une fois épuisé le champ des acteurs étrangers qu’ils soient russes, chinois ou américains, il reste l’ennemi intérieur : “est ennemi de l’Europe celui qui ne croit pas en son avenir”.

Sur les migrants, la convergence avec l’extrême droite plutôt que la différence

Le propos est tel qu’on en vient à se demander quelle différence existe-t’il aujourd’hui entre un discours “nationaliste” et un discours “progressiste”. Se déclarant favorable à l’instauration de quotas d’immigration légale, le Président affiche à nouveau sa volonté de “refonder complètement Schengen, avec un espace plus petit si besoin”. L’accord qui instaure la libre circulation des personnes est la cible des xénophobes depuis des années qui semblent craindre un “grand remplacement” pour l’extrême droite, une “submersion” pour l’ancien ministre de l’Intérieur, ou encore un “shopping de l’asile” pour la tête de liste de la LREM. L’union ne semble ici plus être une force dès lors que celui qui fuit la misère puisse accéder à cette union.

Tout en se défendant d’instaurer des quotas sur les demandes d’asile, ce qui serait une violation des conventions internationales, le chef de l’état s’attaque également à ce droit issu de la tragédie de la Seconde Guerre mondiale. Pour Emmanuel Macron, “On ne protège pas suffisamment nos frontières communes. Il n’y a plus de solidarité et trop de différences entre nos droits d’asile”. On peine à comprendre ce qui produit cette différence entre les droits d’asile des différents pays membre alors même que son fondement se trouve dans le droit international. Peut-être que ce dénominateur commun que recherche le Président se trouve dans le respect strict des conventions internationales plutôt que dans les aménagements inhumains que se permettent les différents gouvernements.

Cet entretien du chef de l’Etat à quelques jours du scrutin illustre l’impasse de son discours politique. On ne combat pas l’extrême droite en reprenant ses revendications. L’Union européenne ne se résume pas à ses honteuses politiques migratoires, cependant ces dernières doivent être combattues et l’extrême droite qui les inspire avec. Pour cela, il n’y a qu’une seule liste qui le fait sans ambiguïté, c’est celle du Parti communiste conduite par Ian Brossat. Il n’a certes pas eu le droit à une tribune dans la plupart des quotidiens régionaux, ni même le droit d’être traité à égalité sur la télévision publique, mais il combat réellement l’extrême-droite, en refusant leurs revendications comme leurs analyses.


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