Pacte social et environnemental, 66 propositions pour pas trop changer les choses

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Pacte social et environnemental, 66 propositions pour pas trop changer les choses

La CFDT, accompagnée de dix-huit autres organisations, a rendu publiques le 5 mars soixante-six propositions pour un pacte social et environnemental. Analyse d’un projet révolutionnaire.

Le travail a été initié par Nicolas Hulot, premier actionnaire de la société Eole qui commercialise les produits Ushuaia et ancien ministre de l’Ecologie dont on ne vante plus le bilan, et Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT. Il n’en faudra pas plus au Monde pour en faire l’opposant numéro 1 à Macron. Après avoir construit l’image de Mélenchon dans ce rôle et sciemment ignoré les communistes qui disposent pourtant d’un groupe dans les deux assemblées parlementaires, voilà que c’est Laurent Berger qui remettrait en cause Macron et son Monde.

Un projet émancipateur

Du moins qui tente de l’être. A la lecture de ces propositions, on peut douter du caractère concret de ces « propositions ». Ainsi voit-on en cinquième proposition : « faire reculer le poids de l’appartenance sociale sur la réussite scolaire ». Comment ? La CFDT et le gouvernement pourront se référer utilement à la charte revendicative du MJCF et à ses propositions pour le droit à l’éducation s’ils souhaitaient agir réellement en ce sens.

La centrale syndicale veut également faire du « compte personnel de formation un levier d’éducation permanente autant que d’adaptation aux métiers ». Comment le CPF pourrait servir à cela quand les droits à la formation ont été massivement réduits par la monétarisation des formations qui forcera les salariés à se diriger vers les formations les moins chères plutôt que vers des formations calculées en temps, permettant de se fixer sur le temps nécessaire à l’apprentissage des connaissances recherchées ? Où est l’éducation et le développement des savoirs et de la capacité à produire quand on remplace les qualifications par des « blocs de compétences » qui soumettent les salariés au besoin immédiat de leur employeur ? Et que dire d’un syndicat qui ne voit pas la contradiction entre « l’émancipation » et « l’adaptation aux métiers » ?

Dans le domaine du travail, on pourrait penser que la présence de plusieurs confédérations syndicales permettent d’avoir des propositions solides et couvrant de nombreux domaines du droit du travail. Il n’en est rien. Trois revendications sur trois thèmes : la qualité de vie au travail, les salaires et les contrats courts. Cet engouement de la CFDT pour les accords de qualité de vie au travail (QVT) montre bien l’incapacité de ce syndicat de répondre aux besoins des travailleuses et travailleurs. La QVT, dans l’entreprise idéale, c’est ce qui arrive en dernier. Quand vous n’avez pas d’accidents, pas de maladies, pas de stress, etc. Aujourd’hui, ces accords viennent prendre la place d’une véritable réflexion sur les conditions de travail.

Par exemple à la Poste, quand le travail s’intensifie, que les factrices et les facteurs sont en souffrance, que les syndicats majoritaires réclament avec le personnel des embauches, la CFDT se vante d’avoir obtenu un croissant offert chaque samedi matin avant de partir en tournée. C’est ça la QVT, un croissant pour éviter le burn-out. Sur les deux autres thèmes, la CFDT veut l’évolution de la grille indiciaire dans la fonction publique en fonction de l’évolution du SMIC et la lutte contre le recours abusif aux CDD et au temps partiel subi. Des vœux pieux vu le refus de la CFDT de se mobiliser avec les autres syndicats sur ces questions et aucune proposition concrète pour réaliser ces objectifs.

Un souffle d’air frais

Sur l’environnement, un espoir pourrait naître quand on voit apparaître les propositions concernant la responsabilité des entreprises. Mais on ne parle que d’adopter des « stratégies climat » dans les entreprises et d’adosser la rémunération variable des dirigeants à des performances sociales et environnementales. Sur la mobilité, stopper la vente des véhicules essence et diesel neuf à « un horizon compatible avec l’accord de Paris ». Espérons que cet horizon corresponde à notre capacité technique à recycler les moteurs des voitures électriques, qui sont extrêmement polluants, et soit adossé à une capacité de production d’énergie électrique suffisante pour se passer des énergies fossiles. Production qui ne pourra se passer de l’énergie nucléaire si l’on envisage sérieusement de réduire les émissions de CO². On peut raisonnablement douter de la volonté des auteurs de ces propositions à y parvenir aux vues du flou entretenu autour de la question du nucléaire mais également de l’hydraulique. On nous parle seulement de « s’engager résolument dans les énergies renouvelables », mais lesquelles ? Comment ? Pour quelle production ? On sait seulement qu’il faut investir 55 à 85 milliards d’euros par an entre 2019 et 2023 pour la transition écologique.

Grande absente des revendications environnementale : l’agriculture. Si ce n’est qu’il faut des circuits courts et du bio dans les cantines. On sait pourtant que la transition écologique ne se fera pas sans les paysans. Ils façonnent nos paysages et notre environnement. La biodiversité est pourtant un enjeu essentiel à l’heure de l’urgence environnementale. On a finalement un ensemble de propositions creux, aussi creux que la proposition de négocier la « raison d’être » des entreprises. Autant de propositions qui ne remettent jamais fondamentalement en cause le capital. Seulement des ajustements à la marge, qu’Emmanuel Macron pourrait tout à fait adopter. C’est donc un opposant construit de toutes pièces, comme Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, à la différence que celui-ci ne prend même pas la peine d’avoir un discours teinté d’une remise en cause du système.


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