“Le Parti communiste m’a permis de rentrer en politique” entretien avec Arthur Hay

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“Le Parti communiste m’a permis de rentrer en politique” entretien avec Arthur Hay

Arthur Hay est livreur à vélo et fondateur d’un syndicat CGT des livreurs à vélo sur Bordeaux. Il s’est engagé sur la liste du PCF avec Ian Brossat pour poursuivre son combat contre l’uberisation au niveau européen.

Comment vous présenteriez-vous ?

Je suis coursier à vélo depuis plus de trois ans maintenant. Je suis engagé dans la lutte contre l’uberisation, à la fois de manière syndicale et à la fois en proposant un contre modèle démocratique. Je suis également quelqu’un de jovial, gentil et très calme !

L’engagement syndical pour les jeunes, et particulièrement dans les nouveaux types d’emploi est loin d’être naturel, comment y êtes-vous venu ?

La question serait peut-être, comment est-ce qu’on y arrive ? C’est vraiment très compliqué. Nous, on a fait le choix de passer par la CGT. Les jeunes ne sont pas très intéressés par l’engagement syndical. Ils sont assez résignés, assez fatalistes. On entend souvent dire que ce n’est pas avec un petit syndicat qu’on va lutter contre une boite qui vaut des milliards. Uber malgré les grèves dans le monde entier, l’exploitation dénoncée, arrive à lever 82 milliards de dollars lors de son introduction en bourses. Les quelques dizaines d’euros de cotisations syndicales mensuelles paraissent peser peu en comparaison. Aussi, il est difficile pour beaucoup d’imaginer que c’est possible de lutter. Il y a donc une résignation.

De plus, beaucoup de gens qui font ces métiers-là, le font sans pouvoir faire autre chose et n’ont donc pas d’autres choix. C’est des gens qui ont peu de chance d’avoir un métier autre part. Parce qu’ils viennent de banlieue, parce qu’ils sont étrangers, ils subissent les discriminations sur le marché de l’emploi. Les gouvernements n’ont rien fait pour les aides à sortir de cette catégorie de sous-citoyen. Ce qui fait qu’aujourd’hui, ils subissent un sous-statut du travail. Pour beaucoup ça leur convient, car ils n’ont jamais connu autre chose et n’ont jamais pu bénéficier de la protection d’un contrat de travail dans le cadre d’un salariat payé correctement, avec des congés payés, etc. On parle souvent à ces jeunes-là de choses quasi-inconnues pour eux.

Que penses-tu des difficultés des confédérations syndicales à organiser les livreurs à vélo qui font parfois d’autre choix d’organisation ?

Notre situation n’est couverte que par quelques lignes dans la loi El-Kohmri, qui dit que les “travailleurs indépendants, économiquement dépendant”, les travailleurs des plateformes numériques, ont le droit d’organisation, ont le droit de faire de grève, ont le droit de créer des syndicats. Je l’ai fait à Bordeaux et je me suis fait virer.

Il n’y a pas de définition de la représentation syndicale au sein des membres de plateformes. Le texte de loi ne protège donc de rien. Il n’existe pas réellement de représentation syndicale au sens légal et donc pas de protection des droits syndicaux. Un syndiqué peut donc se faire virer à tout moment. Ça veut aussi dire qu’il n’y a pas non plus d’organisation du dialogue social.

Le syndicat qu’on a à la CGT est un syndicat avant tout militant. Il ne s’agit pas à proprement parlé d’un travail syndical. On n’a pas de droits à défendre, uniquement des droits à conquérir. C’est aussi pourquoi on fait le choix de collectif. La vision des jeunes des syndicats n’est pas vraiment glorieuse aussi, ils se disent qu’il faut mieux conserver cette forme de collectif pour tenter de ramener plus de monde. Beaucoup de ces groupes regroupent des gens avec des idées très différentes, certains sont libéraux, mais trouve qu’Uber, etc. abusent, d’autres sont communistes, ou encore anarchistes. Ils ont l’impression que la forme syndicale limiterait ces pluralismes.

À Bordeaux, on est à la CGT, mais il s’agit d’un syndicat indépendant au sein de la confédération. Bien que tout le monde soit le bienvenu pour lutter, on sent des fois que ça bloque. Certains ont donc fait le choix du “collectif”. Il faut aussi noter que les syndicats ne sont pas nécessairement armer pour nous aides. Des fois, il y a aussi des réticences à accepter des indépendants, estimant que le rôle du syndicat est avant tout de défendre les droits des salariés. Parfois, on a pu entendre que les indépendants pouvaient rejoindre les syndicats, mais devaient avoir pour unique revendication de devenir salarié. Ces positions n’ont pas aidé.

On travaille main dans la main avec ces collectifs qui font finalement le même travail que nous.

Aujourd’hui, candidat sur la liste du PCF pour les élections européennes, y voyez vous la poursuite de votre combat ?

Oui. Dans notre combat d’uberisé, on va avoir besoin du politique. Le rapport de force est tellement déséquilibré du fait qu’on ne bénéficie pas du tout des avancées arrachés ces deux derniers siècles. Nous n’avons pas de force. Nous avons besoin du pouvoir politique pour qu’il nous donne légalement la force pour pouvoir porter nos revendications. Ce pouvoir politique, on essaye de le prendre, mais quand on rencontre les responsables de la république en marche, ils nous sortent le même discours que le directeur d’Uber.

On a besoin de relais politiques, le Parti communiste m’a donné mieux qu’un relai puisqu’il m’a permis de rentrer en politique. Ce qui me permet de mener la lutte sans intermédiaire. C’est de lutte politique directe.

Quelle mesure porteriez vous prioritairement au niveau de l’Union européenne ?

Prioritairement, je porterai le combat sur l’harmonisation sociale des droits du travail. Il y a une concurrence entre les différents droits du travail, que ce soit en Roumanie ou en Bulgarie, on a dit à des ouvriers qu’il fallait qu’ils acceptent de travailler plus sous la menace d’une délocalisation. Même si les salariés acceptaient, l’usine est délocalisé. Il faut donc une harmonisation sociale pour mettre fin à ces concurrences au niveau de l’Union européenne.

Il faut également une harmonisation en terme de statut. Il ne devrait pas être possible de créer un statut qui permette de contourner le droit du travail et les mettre en concurrence avec les salariés. Nous sommes aujourd’hui une concurrence au modèle social français, on cotise pour rien. Il faut faire en sorte que les statuts ne puissent pas créer de concurrence entre les individus pour faire du dumping social. C’est la revendication que je porterai le plus, c’est celle sur laquelle je me sens le plus compétent.

La deuxième urgence, c’est bien entendu l’environnement.


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