Service national universel : faut-il s’inscrire ?

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Service national universel : faut-il s’inscrire ?

Emmanuel Macron et Sarah El Haïry promettent de le généraliser à 800 000 jeunes chaque année. Pourtant, le Service national universel n’a aucune chance d’atteindre les objectifs affichés. 

Le dispositif phare de la politique jeunesse de Macron est déjà un échec. 

Moment de cohésion ?

Un séjour de cohésion de deux semaines est proposé aux jeunes de 15 à 17 ans, hors du temps scolaire. Pourquoi pas, après tout, rencontrer d’autres jeunes ailleurs que dans son environnement immédiat ?

Au programme : port d’uniformes unisexes, interdiction des téléphones portables, rites militaires… Très cohérent avec les modes de socialisation des jeunes ! On sent que les concepteurs du SNU sont pleinement en phase avec les adolescents.

Dommage toutefois de ne pas s’inspirer des acteurs qui connaissent réellement les jeunes comme les associations sportives ou d’éducation populaire. En observant attentivement leur travail quotidien auprès des jeunes, les ministres auraient certainement voulu permettre à chaque jeune de s’inscrire dans une association sportive ou culturelle, par exemple en leur donnant des moyens financiers. 

Peut-être même auraient-ils eu l’idée d’offrir à toutes et tous un séjour collectif de vacances encadré par des acteurs de l’éducation. Une occasion parfaite de participer à des activités physiques, à la vie collective, à des discussions… Comment on appelle ça déjà ? Une colonie de vacances ?

Mixité sociale ?

Selon le gouvernement, les jeunes souffrent du manque de mixité sociale. Le SNU serait une solution à ce déficit de brassage. En fait, le SNU ressemble un peu à Parcoursup : les enfants d’ouvriers y sont largement sous-représentés, de même pour les résidents en quartier prioritaire de la ville et les jeunes de la voie professionnelle (selon l’INJEP).

Dommage de compter sur un bref et unique séjour pour améliorer la mixité sociale et l’égalité des chances. Le gouvernement aurait été mieux inspiré de bichonner l’institution qui mêle tous les jeunes, à savoir l’école publique. Il aurait ainsi pu éviter de supprimer des postes d’enseignants, de fermer des établissements ou des filières professionnelles, de réduire les temps d’enseignement, ou même renoncer à instaurer une sélection à l’entrée de l’enseignement supérieur.

Par exemple, il n’aurait pas aggravé les inégalités entre les filles et les garçons en supprimant les mathématiques du tronc commun. Enfin, c’est juste pour dire…

Goût de l’engagement ?

Mais trêve de cynisme, car le gouvernement aime les jeunes. Il les aime tellement qu’il veut susciter leur engagement et leur implication dans la Nation. Et pour cela, il leur propose… de travailler gratuitement dans les services publics ! 

Comme on le sait, l’hôpital public, les EHPAD, les écoles sont en grande forme. Alors, pourquoi ne pas proposer à des jeunes d’effectuer un service civique payé 600 euros par mois pour pallier les manques des services publics 24 à 48 heures par semaine ?

Et s’ils ne savent pas quoi faire de toute cette oseille, ils peuvent le faire bénévolement, ça ne posera pas de problème.

En tout cas, le gouvernement a raison d’afficher quand cela l’arrange l’objectif de l’engagement ou celui de l’insertion professionnelle. C’est au choix ! Après tout, pourquoi ne pas maintenir un flou ? Si le SNU peut aider à promouvoir un système de précarité généralisée, il ne faut pas s’en priver !

Sentiment d’unité nationale ?

Après ce que vous venez de lire, vous avez probablement déjà envie de crier « Vive la Nation ! » On vous comprend. Par contre, ne demandez pas au SNU d’avoir une quelconque utilité en matière de défense nationale. Il s’agit plutôt de réunir des jeunes et leur répéter tous les éléments de langage dont nous venons de parler : cohésion, mixité, engagement… Vous ajoutez quelques « rites républicains » à cela, et vous obtenez une nation unie !

Même si rien de tout cela ne correspond vraiment à leur parcours de vie, l’autoconviction peut fonctionner, on ne sait jamais. 

Sans aucune prétention, on peut se risquer à proposer des pistes d’amélioration. Par exemple, on pourrait lutter résolument contre les idées d’extrême droite, ou lutter contre les inégalités sociales. Tiens, en parlant de sociale, il faudrait recourir un peu moins au matraquage des lycéens qui se mobilisent et aux 49-3 à l’Assemblée. 

Si le gouvernement a cinq minutes, il s’agirait aussi d’arrêter une politique qui sert les seuls intérêts des capitalistes, pour mener une politique de progrès et de justice sociale. Peut-être qu’il y aurait une autre ambiance dans le pays.

Obligation ?

Macron a émis l’idée lors de ses vœux que le SNU pourrait devenir obligatoire. Pourtant ce n’est pas gagné : ce n’est pas un service militaire répondant à une exigence de défense nationale. Tant que c’est le cas, force est de constater que le travail forcé est toujours interdit, et qu’on a donc du mal à concevoir un service civique obligatoire.

En revanche, l’idée d’un permis de conduire financé dans le cadre du SNU peut motiver bien des jeunes à s’y inscrire. Toutefois, pour payer la voiture et l’essence, les 600 euros mensuels du service civique risquent de s’avérer insuffisants. Il aurait été sûrement plus simple de passer le permis au lycée et d’être embauché en CDI dans un vrai métier pour se faire, avec des salaires plus élevés qu’actuellement. À étudier.

Alors, pourquoi s’engager au SNU ? « Affirmer vos valeurs » : sauf si vous contestez la politique libérale du président. « Être utile aux autres » : et si vous pouvez aider à faire des économies budgétaires, c’est mieux. « Agir pour une société solidaire » : mais vous partirez à la retraite à 67 ans. « Construire un parcours qui vous ressemble » : enfin, pas les études de votre choix, faut pas déconner.


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