Tour de France : tour de France des luttes sociales

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Tour de France : tour de France des luttes sociales

Après 3484 kilomètres parcourus et un suspens intenable la 107ème édition de la grande boucle à rendu son verdict. C’est le jeune slovène Tadej Pogacar qui remporte le Tour en faisant coup double. Il est le premier Slovène à remporter le Tour et également le plus jeune Vainqueur du Tour d’après-guerre (21 ans). 

Cette édition fut particulière du fait du Covid. Pour la première fois depuis 1903 le Tour ne s’est pas déroulé durant le mois de juillet mais en septembre. De plus le Tour a été marqué par plusieurs déclarations de nouveaux édiles écologistes en manque de publicité qualifiant le Tour de désuet, machiste, polluant ou comme une épreuve en dehors de son temps. 

Si beaucoup de choses sont à améliorer sur le Tour de France notamment la réduction de son impact environnemental on ne peut jeter l’opprobre sur ce sport populaire en effet le Tour de France est le seul événement de sport gratuit ou des milliers de personnes se massent sur les routes chaque année pour applaudir leurs champions. La majorité de ces personnes présentent sur le bord de la route ou devant leurs téléviseurs sont pour la plupart des ouvriers et ouvrières ainsi que des employé·e·s.   

Le Tour de France  indissociable de l’Histoire populaire et sociale du Pays 

On ne peut pas dissocier le Tour de France de l’Histoire de la France et de l’Histoire populaire et sociale de notre pays. 

Pour exemple en Juillet 1936 un mois après les accords de Matignon les coureurs du Tour de France sont applaudis par les ouvrier·e·s qui avaient fait grève quelques mois auparavant, ces dernières arborant le drapeau rouge de la CGT et du PCF. Le soir dans les villes étapes le PCF tient des réunions publiques appelant à aller plus loin que les accords de Matignon en prônant le socialisme pour la France. 

Après la seconde guerre mondiale et le décès de Henri Desgrange qui fut le créateur du Tour de France l’Humanité est à deux doigts de récupérer l’organisation du Tour de France.  Miroir Sprint et l’Humanité organisent en juillet 1946 une course en 5 étapes nommées la Ronde de France, en parallèle l’Equipe et le Parisien Libéré donnent naissance à la course à étape Monaco- Paris en Août 1946. En juin 1947 un mois après le départ des ministres communistes,  De Gaulle décide de confier l’organisation de la Grande Boucle à l’Équipe pour contrer l’influence communiste dans un contexte de guerre froide naissante.  

Néanmoins la CGT et l’Humanité dans le cadre d’un consensus et du programme issus du CNR seront présents sur le Tour de France dans la caravane publicitaire. L’Humanité jusqu’au début des années 2000 où le journal distribuait le fameux magazine PIF Gadget pour le plus grand bonheur des plus petits.  La CGT est quant à elle encore jusqu’à aujourd’hui le seul syndicat présent dans la caravane du Tour de France où elle distribue la NVO (Nouvelle de la Vie Ouvrière) le  mensuel de la CGT.

Des hommes et des cyclistes engagés 

On peut penser à Albert Bourlon détenteur du record de la plus longue échappée en solitaire sur le Tour de France soit 253 km le 11 Juillet 1947. Albert Bourlon est un ouvrier Français travaillant dans les usines Renault de Bourges. Il est membres de la CGT et du PCF il participe aux grandes grèves de 1936. Mobilisé en 1939 il est arrêté et emprisonné en Allemagne après trois tentatives vaines il parvient enfin à s’échapper à l’aide d’une bicyclette en parcourant près de 600km et en se cachant en Roumanie jusqu’à la fin de la Guerre. Son record de la plus longue échappée tient toujours et sera quasi impossible à battre du fait que les étapes du Tour ne dépassent que très rarement 200 kms désormais. 

Gino le pieux : L’italien Gino Bartali a la particularité d’avoir remporté le Tour à 10 ans d’intervalle à savoir en 1938 et en 1948. Gino Bartali remporte le Tour de France en 1938 sous les couleurs de l’équipe d’Italie, très fervent catholique il à une profonde aversion pour le régime de Mussolini même si ce dernier essaye de tirer profit de la victoire de Bartali à des fins de propagande. Il ne peut participer au Tour de 1939 (le dernier d’avant-guerre) car il est incorporé à l’armée italienne. Néanmoins du fait qu’il est sportif de haut niveau il va vite être démobilisé pour continuer à s’entrainer, or ces sorties d’entrainement ne permettaient que d’entretenir sa condition physique. Dès 1940 le cardinal de Florence lui propose de rentrer dans un réseau de résistance. Ici durant près de 5 ans Gino Bartoli va profiter de ses sorties d’entrainement pour acheminer des faux papiers qu’il cache dans son cadre pour permettre à des juifs et à des résistants de quitter l’Italie Fasciste. Ces sorties d’entrainement atteignent parfois 400 kms, durant ces sorties Gino est très peu contrôlé de part sa stature de champion. Au final par son action Gino a contribué au sauvetage de près de 800 juifs et 400 résistants. Homme très discret il ne dira rien de ses actes de bravoure à sa femme et à ses enfants qui n’apprendront qu’après sa mort son action durant la seconde guerre mondiale. 

On peut également parler du regretté Raymond Poulidor, qui s’en est allé le 13 novembre 2019, ou l’éternel second ( 8 fois sur le podium du Tour). Dans les années 1960 la France est coupée en deux, Raymond Poulidor originaire de la Creuze représente la France rurale, les petits paysans et les ouvriers alors que le grand Jacques (Jacques Anquetil) représente les citadins, le milieu des affaires il est également  proche des milieux libéraux. Raymond Poulidor est proche du Parti Communiste il continuera son engagement militant après sa carrière avec la CGT alors que Jacques Anquetil est proche du Général De Gaulle. Une véritable amitié néanmoins se nie entre les deux coureurs, Anquetil téléphonant à Poulidor la veille de sa mort en lui disant : « Désolé Raymond tu va encore faire deux ». 

Le Tour un moment d’expression sociale 

Le Tour n’est pas en marge de la société et de cette société capitaliste qui accroit les inégalités il est parfois l’expression de revendications sociales. 

Il y à deux épisodes de cette colère sociale qui s’est exprimée sur les routes du Tour de France.

Le   7 Juillet 1982 la cinquième étape du Tour de France (un contre la montre par équipe) est annulée car des sidérurgistes d’Usinor ont bloqué la route à Denain pour protester contre l’arrêt de la production du train à bandes fleuron de l’entreprise où l’Etat est actionnaire majoritaire. Après une discussion entre la direction du tour et les représentants syndicaux l’étape est purement et simplement annulée. Plusieurs coureurs du peloton se diront solidaires de cette décision et également solidaires du mouvement mené par les ouvriers d’Usinor qui défendent leurs outils de travail et leurs emplois.  

Le 24 Juillet 2018 à l’occasion de la 16ème étape reliant Carcassonne à Bagnère de Luchon, les agriculteurs à l’appel de la FDSEA tentent de bloquer le passage du Tour pour protester contre la baisse des aides européennes à l’agriculture en installant des bottes de foins au milieu de la chaussée entraînant une intervention musclée des forces de l’ordre pour faire évacuer la route à l’aide de gaz lacrymogènes. Le nuage de gaz lacrymogène a touché de nombreux coureurs ce qui a entraîné une interruption de l’étape de 30 minutes. 

Le Tour de France, est un rendez-vous populaire, le rendez-vous sportif le plus connu au monde qui rassemble largement sur les routes et devant les postes de télévisions. Un évènement sportif, mais aussi social marqué tout au long de son histoire par les revendications des classes populaires mais aussi, pour l’édition de cette année par des actions coup de poing contre la présence de l’équipe “Israël Start up Nation”,  là pour blanchir les crimes de l’Etat Israélien envers le peuple palestinien. 


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