Voitures électriques, une solution écologiste ?

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Voitures électriques, une solution écologiste ?

Entre février et mars, le Parlement européen a voté l’interdiction des véhicules thermiques en 2035, vote sur lequel le Conseil est revenu quelques semaines plus tard. Cette actualité est l’occasion d’évaluer la pertinence écologique du véhicule électrique : les débats autour de ses avantages et de ses inconvénients laissent parfois la place à d’autres alternatives.

Le coût environnemental de la voiture électrique

Quand on parle du gain que représentent les véhicules électriques pour l’environnement, on oppose souvent son coût initial de production. Entre mythe et réalité, il s’agit d’abord de comprendre à quelle logique répond la production automobile aujourd’hui.

Au stade de la production des véhicules, l’origine des matériaux utilisés pour confectionner les batteries est souvent mise en cause. En effet, les constructeurs optent généralement pour des pièces contenant des « terres rares », c’est-à-dire des métaux comme le cobalt ou le lithium. La revue Progressistes (dans son n° 36) fait état de technologies permettant la fabrication de batteries plus légères, plus denses en énergie, mais plus coûteuses.

Ce faisant, le coût environnemental de la voiture électrique lors de sa production (2 à 3 fois supérieur aux voitures thermiques en tonnes eq CO2) résulte essentiellement d’un choix de rentabilité effectué par les principales entreprises du secteur automobile. 

La France s’illustre de plus en plus par la découverte de nouvelles techniques, plus chères, mais plus adaptées à la crise écologique. Si la tendance va à l’interdiction des véhicules thermiques, il est donc impératif de se tourner vers ces pratiques plus respectueuses, malgré leur coût pour les producteurs.

S’agissant du stade de l’usage, il faut quelques milliers de kilomètres pour qu’une voiture électrique compense son coût : au bout de 70 000 en moyenne, elle devient plus écologique que la voiture thermique. L’UFC-Que Choisir rapporte ainsi que sur une durée de vie de 200 000 km, en France, le véhicule électrique aura un impact carbone deux à trois fois moins élevé que le véhicule thermique. D’où la priorité de rendre les plus durables possibles toutes les voitures électriques.

Un bilan carbone dépendant des origines de la production électrique

Le bilan carbone d’une voiture électrique dépend toutefois de l’origine de l’électricité utilisée. En France, un kilowattheure générait environ 103 g de CO2 en 2022, tandis qu’en Allemagne il émettait 504 g. Une voiture moyenne consomme 15 kWh « au cent », et parcourt 15 000 km chaque année : pour une consommation annuelle de 2 250 kWh, la voiture française pèse donc environ 230 000 g de CO2, alors que la voiture allemande engendre 1 134 000 g de CO2.

L’utilisation de ces véhicules pose donc l’enjeu majeur de la production électrique. En France, le choix est au mix nucléaire/renouvelable, qui a largement fait ses preuves comme étant l’un des plus écologiques. Dans le monde, les meilleurs élèves sont ceux dont le mix repose presque intégralement sur l’hydraulique (Scandinavie), mais dont la consommation est bien plus faible.

Ainsi, en s’éloignant du nucléaire comme énergie de transition vers le renouvelable, certains pays européens sacrifient l’utilité de l’électrification des transports ou encore de l’industrie. L’Allemagne ou l’Angleterre, encore largement tournées vers le charbon ou le gaz (malgré des remises en cause récentes), ont encore du chemin à faire pour donner une vraie pertinence aux modes de transport électriques.

Une faible production à domicile

Pour le moment, il faut dire que de nombreux véhicules électriques ne sont pas produits en France. Mis à part la Renault Zoe, fabriquée dans les Yvelines, de nombreux autres modèles appréciés et abordables nécessitent d’être importés. Mauvais calcul à la fois pour la souveraineté industrielle et pour le climat, les délocalisations retirent encore à la voiture électrique un peu de sa pertinence.

Prenons d’abord l’exemple de la Peugeot e-208, modèle électrique le plus apprécié des Français. Si son moteur est fabriqué à l’usine de Trémery en Moselle, le véhicule est assemblé en Slovaquie. Dans le cycle de production, il faut ainsi compter plusieurs semaines de transports en camion, aller et retour, pour acheter sa e-208 chez un concessionnaire français. Des annonces ont été faites concernant un déplacement de l’assemblage près de Saragosse, en Espagne : si la distance entre l’usine et la France est sensiblement réduite, les camions n’en seront pas pour autant supprimés.

Mais le cas le plus emblématique est celui de la Dacia Spring. 2e voiture électrique la plus vendue en France, elle est aussi celle qui affiche le prix le moins élevé (20 800 €). Ce véhicule a priori le plus abordable présente toutefois l’inconvénient majeur d’être produit en Chine. Sans compter le coût environnemental généré chaque année par le fret maritime (3 % des émissions de gaz à effet de serre), le plus inquiétant demeure le coût de production dans le Hubei. En effet, bien que la Chine soit engagée dans une transition énergétique historique, elle continue de produire dans ses usines avec une électricité issue du charbon à plus de 60 %.

Ainsi, la conclusion est la même qu’au stade de l’usage : le bilan carbone d’un véhicule électrique dépend largement de l’origine de l’électricité consommée. En faisant le choix de la souveraineté industrielle plutôt que celui de la rentabilité, les constructeurs automobiles français (Renault, Stellantis…) pourraient optimiser encore les avantages présentés par les véhicules électriques. La relocalisation est une urgence écologique.

Des alternatives au tout électrique ?

La disparition des véhicules thermiques pose des enjeux essentiellement économiques. D’abord pour les automobilistes qui devront se reporter sur des voitures plus chères, mais aussi pour les industriels défendant le modèle thermique. Parmi les pays opposés à la transition pour 2035, l’Allemagne s’est distinguée en formulant une proposition : le maintien du thermique à travers l’utilisation des carburants de synthèse. Ces derniers ont-ils un bilan comparable à l’électrique ?

Le principal carburant de synthèse est le « eFuel », développé par Porsche (entreprise allemande). Par une combinaison d’hydrogène et de dioxyde de carbone (notamment), l’industriel propose un carburant ne rejetant pas de CO2 à l’échappement. Toutefois, la production de cet eFuel demande une quantité importante d’énergie, surtout pour l’électrolyse permettant de récupérer l’hydrogène. Retour donc au même débat : le coût environnemental des carburants de synthèse dépend de l’électricité avec laquelle ils sont produits. Électricité pouvant directement être utilisée dans des véhicules électriques…

Aussi, il y a une réelle nécessité à penser l’usage de la voiture en complémentarité avec celui des transports en commun. Le problème majeur des véhicules électriques est leur faible autonomie sur des longues distances : ils sont principalement faits pour les déplacements quotidiens. C’est à la fois en densifiant les réseaux de transport urbain, et en rendant accessibles les transports nationaux que les industriels pourront réellement dépasser le besoin de produire des batteries de voiture lourdes et polluantes.


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