Acidification des océans : une septième limite planétaire franchie

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Acidification des océans : une septième limite planétaire franchie

Après le climat, la biodiversité et l’usage des sols, une nouvelle limite planétaire vient d’être franchie : l’acidification des océans. Une menace silencieuse mais dévastatrice pour les écosystèmes marins et les populations humaines qui en dépendent.

Neuf limites, quèsaco ?

Les neuf limites planétaires sont un ensemble de paramètres physico-bio-géo-chimiques dont les valeurs moyennes sont stables depuis des milliers d’années. Dépasser ces limites, c’est prendre le risque de bouleversements écologiques importants et surtout difficiles à quantifier.

C’est en 2009 qu’une équipe de chercheurs du Stockholm Resilience Centre publie un article dans la revue Nature où ils recensent sept limites critiques qui feraient entrer l’humanité dans une zone d’incertitude. Des mises à jour successives du concept ont permis d’affiner l’analyse environnementale qui ressort de cette vision et ainsi de rajouter deux nouvelles limites planétaires en 2023.

Parmi les limites déjà dépassées, on retrouve entre autres le réchauffement climatique, le changement d’usage des solsou encore l’érosion de la biodiversité. Des paramètres dont les modifications se font de plus en plus fortement ressentir à l’échelle globale.

« Dépasser une limite, c’est franchir un seuil de stabilité de la planète. »

Une septième limite dépassée

Une série de publications scientifiques publiées durant l’été 2025 et confirmées par le dernier rapport sur les limites planétaires rédigé par une équipe du laboratoire Planetary Boundaries Science Lab à Potsdam déclare qu’une septième limite a été franchie. Il s’agit de l’acidification des océans due au rejet massif de CO₂ dans l’atmosphère.

Les conséquences de l’acidification des océans sont connues depuis de nombreuses années et laissent relativement impuissants les chercheurs. La baisse du pH des eaux marines empêche la calcification d’un grand nombre d’espèces animales telles que les coquillages, les coraux ou les crustacés. Ces espèces se situent à des endroits clés de la chaîne alimentaire. Leur disparition entraînerait un déséquilibre massif des populations de prédateurs tels que les poissons, ressource essentielle pour de nombreuses populations humaines.

« Sans coquillages ni coraux, c’est tout l’écosystème marin qui s’effondre. »

Le cas des coraux, dont les squelettes calcaires forment les récifs coralliens, est particulièrement alarmant. Ces derniers sont les architectes des récifs, qui constituent des lieux de vie pour des millions d’espèces animales et des réservoirs de biomasse cruciaux à la survie de millions de personnes à travers le monde.

L’acidification des océans est due aux émissions de dioxyde de carbone. Le CO₂ se dissout plus facilement dans les océans à cause de la hausse des températures des eaux provoquée par le réchauffement climatique, augmentant petit à petit sa concentration dans le milieu marin. Une fois dissous, il va avoir la propriété chimique de faire descendre le pH de l’eau et ainsi empêcher le mécanisme de calcification à l’origine de toutes les coquilles et des exosquelettes de nombreux animaux marins.

Des populations directement impactées

Au-delà du grave impact sur la biodiversité et l’affaiblissement des espèces, les populations économiquement et socialement dépendantes des ressources marines se trouvent directement touchées. Ce sont par exemple environ 275 millions de personnes qui, dans le monde, sont directement dépendantes des récifs coralliens pour leur alimentation ou leurs échanges économiques.

Un autre aspect souvent oublié de la perte de biodiversité, notamment au niveau des récifs coralliens mais pas uniquement, est le risque de perte de molécules pouvant être importantes pour le traitement de certaines maladies. En effet, certaines espèces animales et végétales produisent des composés organiques essentiels pour l’industrie pharmaceutique, utilisés notamment dans le développement de nouveaux antibiotiques ou encore de traitements contre la neurodégénérescence.

La grande dépendance des humains aux produits de la mer fait que la chute de certaines ressources marinesengendrerait potentiellement des mouvements de populations et une insécurité alimentaire pour des millions de personnes à travers le monde. Encore une fois, ce sont les populations du Sud qui sont en première ligne face aux dérèglements globaux. L’origine de l’acidification des océans est pourtant à retrouver du côté des pays développés, grands émetteurs de CO₂ et consommateurs de produits issus de la pétrochimie.

« Les pays du Sud subissent les conséquences des émissions des pays du Nord. »

Une dynamique capitaliste destructrice

L’activité capitaliste ne cesse d’impacter et de dérégler les mécanismes naturels sans qu’aucune mesure ne soit réellement trouvée. La dernière actualité en date qui va dans ce sens est l’échec des négociations visant à lutter contre la pollution plastique.

Inverser la tendance de l’acidification ne pourra se faire que sur le très long terme, à condition que des mesures drastiques soient prises à l’échelle globale : réduction massive des émissions de CO₂, protection renforcée des écosystèmes marins et transformation profonde des modes de production et de consommation.

« Inverser la tendance prendra des décennies, à condition d’agir maintenant. »


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