Le 2 décembre 1823, le président étasunien James Monroe formule une doctrine qui portera son nom : la doctrine Monroe. Elle est d’abord présentée comme une revendication de détachement vis-à-vis des vieilles puissances européennes, reposant sur le principe de non-ingérence mutuelle. Mais, au fil du temps, elle devient l’affirmation d’un impérialisme états-unien débridé en Amérique centrale et latine, souvent mâtiné d’un fort anticommunisme.
Du refus de l’Europe à l’impérialisme continental
C’est vers la fin du XIXe siècle que la doctrine Monroe prend une inflexion clairement impérialiste, au moment où les États-Unis s’étendent économiquement et militairement vers la mer des Caraïbes et les pays d’Amérique centrale et latine – notamment Haïti, le Venezuela, Porto Rico, la République dominicaine ou la Colombie.
Pensée au départ comme une affirmation de l’indépendance des États-Unis face à l’Europe, elle glisse rapidement vers une revendication de domination sur tout le continent américain, considéré comme leur « pré carré ». Ce basculement annonce la brutalité de la répression impérialiste et anticommuniste qui marque – encore aujourd’hui – l’histoire du continent.
Après la révolution cubaine de 1959, contre laquelle les États-Unis imposent en 1962 un embargo toujours en vigueur, Washington reformule la doctrine en y intégrant un objectif prioritaire : empêcher toute ingérence ou présence communiste en Amérique du Sud.
Une doctrine au service de la répression
Un exemple marquant de cette politique est le soutien actif de la CIA au renversement du gouvernement chilien de Salvador Allende et de sa coalition de gauche en 1973. Plus discrètement, les États-Unis consolident ensuite leur influence par l’appui à l’Opération Condor — lancée par Pinochet et relayée par les dictatures d’Argentine, du Chili ou du Paraguay — puis, dans les années 1980, par le financement de la guerre civile au Nicaragua. Objectif : maintenir dans la région des régimes favorables à leurs intérêts, au prix d’une répression massive.
Ainsi, du début du XIXe siècle à la fin du XXe, la doctrine Monroe évolue d’un discours isolationniste en apparence à un projet pleinement interventionniste, au service de la protection des intérêts états-uniens sur tout le continent.