Histoire des relations entre la France, Israël et la Palestine

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Histoire des relations entre la France, Israël et la Palestine

Ces derniers temps, beaucoup furent surpris, en écoutant les sorties médiatiques de Dominique de Villepin, de l’analyse et de la position diplomatique défendues par l’ancien Premier ministre concernant le conflit israélo-palestinien.

Pourtant, lorsque l’on se penche sur l’historique des relations diplomatiques entre la France et les deux belligérants, cette position n’a rien de surprenant.

On peut facilement distinguer trois périodes dans les relations diplomatiques françaises avec Israël et la Palestine.

Au commencement des relations

Tout d’abord la période 1948-1958. Bien qu’un poil à la traîne pour reconnaître l’État hébreu, la France, dès que ce fut fait, développa une grande complicité avec Israël. Déjà, car dans la même période, la France, État colonial, lutte contre le nationalisme arabe en Algérie et perçoit en Israël un allié à ce niveau.

Cela est renforcé par un esprit de solidarité avec le peuple juif. La mémoire de la Shoah est encore très forte, bon nombre de dirigeants français et israélien se connaissent personnellement et Moshe Dayan, alors ministre de la Défense israélien, à même un bureau au ministère de la Défense français.

Car à cette époque, la proximité entre Israël et la France va même jusqu’à la coopération pour la recherche sur l’arme nucléaire.

Une complicité que l’on retrouvera jusque dans la crise du canal du Suez où, à la suite de la nationalisation du canal par l’Égypte en 1956, une alliance secrète entre la France, le Royaume-Uni et Israël entra en conflit afin de retrouver la main mise sur le canal ainsi que ces bénéfices économiques (la France et le Royaume-Uni en étaient actionnaires.) et commerciaux (Israël ayant besoin du canal pour assurer son transport maritime de la Méditerranée à la Mer Rouge), projetant au passage de renverser le président Nasser.

Sous la pression combinée des États-Unis et de l’Union soviétique, les coalisés finirent par rembarquer, actant le nouvel équilibre des forces dans le contexte de la guerre froide et renforçant encore les liens entre la France et Israël.

Conflits et relations morcelées

Mais lorsque De Gaulle arrive au pouvoir en 1958, c’est une autre étape. Dans un premier temps, il met fin à la coopération avec Israël sur la bombe nucléaire, car il souhaite que cette dernière soit nationale. Mais surtout, le principal tournant vint en 1967 lors de la guerre des Six Jours.

Le général de Gaulle avait assuré que si Israël était menacé par les pays arabes, la France serait solidaire, mais il avait demandé à Israël de ne pas commencer la guerre. Or, le lundi 5 juin 1967, c’est bien Israël qui, le premier, ouvrit le feu sur les troupes égyptiennes mobilisées le long de la frontière, engageant la guerre avec la Syrie, la Jordanie et l’Égypte.

La frontière qui d’ailleurs, à l’époque, englobait la bande de Gaza et la péninsule du Sinaï. Ces deux régions furent prises par Israël lors du conflit, ainsi que le plateau de Golan (appartenant alors à la Syrie), la Cisjordanie et Jérusalem-Est (appartenant pour leur part à la Jordanie depuis la première guerre israélo-arabe de 1948).

Si Israël s’est par la suite retiré du Sinaï (et en 2005 de Gaza), l’État hébreu a annexé le plateau de Golan ainsi que Jérusalem Est (deux actes non reconnus par la communauté internationale) et a continué d’occuper illégalement une majeure partie de la Cisjordanie, allant jusqu’à y installer des villes considérées comme des colonies illégales au regard du droit international par les pays membres de l’ONU (sauf les États-Unis et l’État d’Israël).

En conséquence, De Gaulle prononce un embargo sur les armes à destination des belligérants, mais la France ne vendant alors des armes qu’à Israël, il s’agit en réalité d’une sanction à l’encontre de ce dernier.

Lors d’une conférence de presse à l’Élysée le 27 novembre de la même année, De Gaulle met en garde vis-à-vis de l’occupation mise en place par Israël dans les territoires palestiniens, qui va inévitablement susciter une répression entraînant une résistance, aboutissant à un cercle de violence.

Au regard de ces 50 dernières années, le moins que l’on puisse dire est qu’il avait été plutôt clairvoyant.

Cet épisode marque une rupture dans l’alliance stratégique fondamentale entre la France et Israël, ce dernier prenant alors les États-Unis comme nouveau protecteur, ce qui n’empêche pas les relations diplomatiques entre les deux pays de continuer.

Pompidou, élu en 1969, continuera dans la lignée de la politique de De Gaulle en maintenant l’embargo et provoquera une polémique auprès des amis d’Israël en vendant des avions Mirages à la Libye.

Cela mènera à la tenue de la grande manifestation en opposition à Pompidou lors d’une visite officielle de ce dernier à Chicago en mars 1970. Cet épisode est une démonstration de force qui marquera un tournant dans l’adhésion inconditionnelle des États-Unis à la politique israélienne.

La diplomatie française tient bon

En 1974, Valéry Giscard d’Estaing est élu en plein choc pétrolier et cherche à se rapprocher des pays du Golfe pour établir un partenariat économique visant à compenser l’augmentation du prix du pétrole par la fourniture d’équipement militaire et du BTP via des contrats d’État à État.

Surtout, en 1979, Giscard participe à une réunion de la C.E.E (Communauté Économique Européenne, en quelque sorte l’ancêtre de l’Union européenne) avec l’Organisation de Libération de la Palestine, généralement abrégé en OLP, une organisation politique et paramilitaire palestinienne crée en 1964 et visant l’indépendance de la Palestine dans les frontières « de 1967 », c’est-à-dire avant la guerre des Six Jours.

Au cours de cette réunion, sera édictée la déclaration de Venise qui reconnaît le droit des Palestiniens à l’autonomie gouvernementale.

Au paragraphe 4, les États membres appellent à promouvoir les « deux principes universellement acceptés par la communauté internationale : le droit d’exister en sécurité de tous les États de la région, dont Israël, et la justice pour les peuples, ce qui implique la reconnaissance des droits légitimes du peuple palestinien ».

Cette déclaration n’est pas du goût des Israéliens et amènera même certaines organisations juives françaises à prendre position contre VGE et à appeler à voter pour François Mitterrand.

Ainsi, lorsqu’il est élu en 1981, Mitterrand est considéré comme un ami d’Israël.

En 1947, membre du gouvernement de Paul Ramadier, Mitterrand sera l’un des deux ministres français à plaider et à obtenir le droit d’asile en France de l’Exodus, un navire destiné à emmener clandestinement des juifs d’Europe en Palestine.

Cela inquiète les pays arabes qui redoutent de voir s’éteindre la politique relationnelle mise en place depuis De Gaule. Mais il n’en est rien et sur le chapitre du conflit israélo-palestinien, Mitterrand poursuivra la politique de ses prédécesseurs.

Au début du mois de mars 1982, François Mitterrand, devient le premier chef d’État français à se rendre en Israël. Le 4, alors qu’il est invité à la Knesset, le parlement israélien, il plaidera en faveur de l’autodétermination du peuple palestinien, déclarant « qu’on ne peut demander à quiconque de renoncer à son identité ni répondre à sa place à la question posée » et qu’ « il appartient […] aux Palestiniens comme aux autres, de quelques origines qu’ils soient, de décider eux-mêmes de leur sort ».

La même année, Israël lance l’opération Paix en Galilée au cours de laquelle Tsahal, nom donné à l’armée israélienne, envahit le Liban du Sud.

Faisant partie du conflit plus large que fût la guerre du Liban, cette opération avait pour but de faire cesser les attaques de l’OLP menée depuis le Liban et d’éliminer Yasser Arafat, le dirigeant de l’OLP.

C’est la France qui permettra l’évacuation d’Arafat et en 1989, Mitterrand ira jusqu’à accepter la venue de Yasser Arafat en France.

A la suite de la guerre du Golfe, un grand espoir de paix se construit avec la tenue en 1991 de la conférence de Madrid, soutenue par les États-Unis et l’Union Soviétique, qui tenta d’engager un processus de paix entre Israël et les pays arabes, dont la Syrie, le Liban, la Jordanie et les Palestiniens. De cette conférence, découlèrent le traité de paix israélo-jordanien de 1994 et les accords d’Oslo, accord de principe visant à poser les premiers jalons d’une résolution pacifique du conflit israélo-palestinien.

Il en émergea ce que l’on a appelé « le processus d’Oslo », concrétisé par l’accord de Jéricho-Gaza qui donna naissance à l’Autorité nationale palestinienne ainsi qu’au Conseil législatif palestinien visant à instaurer une autonomie palestinienne pour une durée de 5 ans afin de progresser vers la paix.

C’est dans ce contexte que Jacques Chirac est élu en 1995 et il est tout de suite très favorablement vu par la communauté juive grâce à son discours de commémoration de la rafle du Vel d’Hiv en juillet 1995 au cours duquel il reconnaît, pour la première fois, la responsabilité de l’État français dans cette rafle.

En décembre 1996, Chirac se rend à Jérusalem et les soldats l’empêchent de se déplacer librement, donnant lieu à cette scène très connue, où Chirac apostrophe un soldat israélien et menace de rentrer chez lui s’ils ne le laissent pas circuler. Cela donnera une popularité immense à Chirac auprès de la communauté arabe palestinienne, mais aussi d’autre pays.

Jacques Chirac continuera de pousser pour une solution à deux États, malheureusement le processus d’Oslo est mis à mal par l’assassinat en 1995 de Yitzhak Rabin, le Premier ministre israélien, par un étudiant israélien d’extrême droite, mais aussi par la multiplication des attentats menés par les mouvements palestiniens du Hamas et du Jihad islamique.

Le processus d’Oslo sera définitivement enterré après le déclenchement de la seconde Intifada et l’élection début 2000 d’Ariel Sharon, cofondateur du Likoud, relançant de plus belle le cycle répression-terrorisme.

Tout en conservant des liens avec Israël, Chirac gardera un lien privilégié et amical avec Yasser Arafat jusqu’à la mort de ce dernier, dans les environs de Paris, le 11 novembre 2004.

Pourquoi ce revirement ?

La France, qui était le seul pays occidental à soutenir fortement la création d’un État palestinien, change de politique aux environs de juillet 2005.

Pourquoi la France a-t-elle abandonné cette cause, qui lui valait d’être très populaire non seulement dans le monde arabe, mais aussi dans le monde entier, car elle paraissait juste aux yeux des « pays du Sud » et surtout une cause courageuse, puisqu’à contre-courant des autres pays occidentaux ?

En 2005, Chirac doit faire face à une campagne majeure sur l’antisémitisme en France.

Une campagne se déchaîne depuis les États-Unis et Israël sur l’antisémitisme en France, l’antisémitisme des responsables français et l’antisémitisme des Français eux-mêmes.

Il décide donc de réduire la voilure concernant ses positions sur le conflit israélo-palestinien et invite Ariel Sharon à venir à l’Élysée en juillet 2005.

Lors de sa visite, Sharon qui avait auparavant appelé les Juifs français à faire leur alya, c’est-à-dire à rejoindre la Terre d’Israël, afin de fuir l’antisémitisme en France, avalisera Jacques Chirac et lui reconnaîtra de lutter contre l’antisémitisme.

Et finalement, à partir de là, la France va être moins allante dans le dossier israélo-palestinien de peur de revoir surgir les procès moraux et les accusations en antisémitisme.

Si Nicolas Sarkozy, lui qui eut un timbre à son effigie édité en Israël à la suite de son élection, continuera à parler dans ses discours de la nécessité d’une paix entre Israël et Palestine, il n’alliera cependant pas les paroles aux actes et ne poussera jamais son engagement plus loin que les discours.

Son successeur, François Hollande, alors que la reconnaissance de l’État de Palestine était inscrite dans son programme, lors de son premier discours devant les ambassadeurs fin août 2012 et alors que son conseiller diplomatique Paul Jean-Ortiz avait écrit dans son discours que la France allait reconnaître la Palestine, rayera de sa main cette mention.

De même pour Emmanuel Macron, lui qui pourtant se réclamait du gaullo-mitterrandisme lors de la campagne présidentielle de 2017.

Pascal Boniface, directeur de l’IRIS (l’Institut de Relation Internationale et Stratégique), perçoit aussi une forme de lassitude de la part des dirigeants français à la suite des multiples échecs des plans mis en place et surtout l’absence de volonté de prendre des sanctions contre Israël pour ne pas s’isoler des autres pays occidentaux dans une recherche d’unité face à la montée en puissance des BRICS.

Si officiellement la France défend toujours la solution à deux États, en privé, les responsables politiques ont déjà jeté l’éponge. Si dans les textes, la France n’a pas changé de position, en réalité, elle est nettement moins active sur le dossier israélo-palestinien, et ce, depuis l’été 2005.


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